Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/55

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travers les raies de la pluie fine et les rafales du grain. Ils grelottèrent le froid et la faim, sur les bancs de leur barque, qui pourrissait d’humidité. Peu à peu, ils cessèrent d’écoper l’eau dont les lames déferlantes emplissaient le you-you ; la famine leur tire-bouchonna l’estomac et leur fit bourdonner les oreilles ; et ils sombrèrent, les trois Bretons, croyant entendre, dans les tintements de leur sang, le glas du clocher de Sainte-Marie.

Et l’Atlantique monotone emporta dans ses flots gris leur rêve doré, le galion du capitaine Jean Florin, qui ne débarqua jamais le trésor du grand Montezuma, flibusté à Fernand Cortès, le Quint royal destiné à Sa Majesté d’Espagne très catholique. Cependant, autour de la quille glissante de la yole renversée, vinrent planer en tournoyant les grandes frégates, et les girandoles de goélands la frôlèrent de leurs ailes, en criant : « Gab-Lou ! Gab-Lou ! »