Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/129

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et toujours d’autres arbres, et des entassements de futaies. Et son orgueil avait été frappé par la parole de la vieille femme :

— Dieu seul sait allumer ses étoiles dans la nuit.

— Et moi ? pensait Alain. Si j’allais dans la plaine, si j’étais sous ce ciel qui est par-dessus les arbres, ne pourrais-je aussi allumer mes étoiles ? Oh, j’irai ! j’irai.

Rien ne lui plaisait plus dans l’enceinte de la forêt, qui l’assiégeait comme une armée immobile, l’emprisonnait comme une geôle rigide dont les arbres-gardiens se multipliaient pour l’arrêter, étendaient leurs bras inflexibles, se dressaient menaçants, énormes, terribles et muets, armés de contreforts noueux, de barricades fourchues, de mains gigantesques et ennemies ; semblant hostile à tout ce qui n’était pas elle-même dans la jalouse protection de son cœur ténébreux. Bientôt elle eut pansé toutes les plaies de la tempête, refermé les blessures cruelles par où s’enfonçait la lumière, pour s’endormir de nouveau dans le sommeil de sa profondeur. Et la mare du rocher redevint obs-