Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/133

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lente la terminait, dont on ne distinguait pas les bords. C’était comme de la plaine un peu plus blanche.

Alain marcha vers la rivière pour y revoir les étoiles.

Là elles paraissaient couler, devenir liquides et incertaines, s’infléchir, s’arrondir, se voiler sous une ride obscure et parfois se diviser en une foule de courtes lignes miroitantes. Elles allaient au fil de l’eau, s’égaraient dans les remous et mouraient, étouffées par de gros paquets d'herbes.

Pendant toute cette nuit Alain marcha auprès de la rivière. Deux ou trois souffles du matin enveloppèrent toutes les étoiles d’un linceul gris tendre rayé d’or et de rose. Au pied d’un arbre mince le long duquel tremblotaient des feuilles d’argent, Alain s’assit, un peu las ; il mordit dans son pain et but à l’eau courante. Il marcha encore tout le jour. Le soir il dormit dans un enfoncement de la berge. Et le matin suivant il reprit sa marche.

Voici qu’il vit la rivière s’élargir et la plaine perdre sa couleur. L’air devenait humide et salé.