Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/292

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les dalles des étuves chaudes. Toutes choses étaient frottées d’épices ardentes et éclairées de cierges rouges. Mais ce royaume s’est enfoncé sous la terre, et je me suis éveillé au milieu des ténèbres.

Et alors j’ai eu un royaume noir qui n’est pas un royaume : car il est plein de rois qui se croient des rois et qui l’obscurcissent de leurs œuvres et de leurs commandements. Et une sombre pluie le trempe nuit et jour. Et j’ai erré longtemps par les chemins, jusqu’à la petite lueur d’une lampe tremblante qui m’apparut au centre de la nuit. La pluie mouillait ma tête ; mais j’ai vécu sous la petite lampe. Celle qui la tenait se nommait Monelle, et nous avons joué tous deux dans ce royaume noir. Mais un soir la petite lampe s’est éteinte et Monelle s’est enfuie. Et je l’ai cherchée longtemps parmi ces ténèbres : mais je ne puis la retrouver. Et ce soir je la cherchais dans les livres ; mais je la cherche en vain. Et je suis perdu dans le royaume noir ; et je ne puis oublier la petite lueur de Monelle. Et j’ai dans la bouche un goût d’infamie.