Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/82

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je suis rempli de joie. Je ris du printemps et de ce que j’ai vu. Mon esprit n’est pas très fort. J’ai reçu la tonsure de clergie à l’âge de dix ans, et j’ai oublié les paroles latines. Je suis pareil à la sauterelle : car je bondis, de ci, de là, et je bourdonne, et parfois j’ouvre des ailes de couleur, et ma tête menue est transparente et vide. On dit que saint Jean se nourrissait de sauterelles dans le désert. Il faudrait en manger beaucoup. Mais saint Jean n’était point un homme fait comme nous.

Je suis plein d’adoration pour saint Jean, car il était errant et prononçait des paroles sans suite. Il me semble qu’elles devraient être plus douces. Le printemps aussi est doux, cette année. Jamais il n’y a eu tant de fleurs blanches et roses. Les prairies sont fraîchement lavées. Partout le sang de Notre Seigneur étincelle sur les haies. Notre Seigneur Jésus est couleur de lys, mais son sang est vermeil. Pourquoi ? Je ne sais. Cela doit être en quelque parchemin. Si j’eusse été expert dans les lettres, j’aurais du parchemin, et j’écrirais dessus. Ainsi je mangerais très bien tous les soirs. J’irais dans les couvents prier