Page:Schwob - Mœurs des diurnales, 1903.djvu/25

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dans tous les genres. Jamais homme ne sut mieux diriger la bienveillance universelle. Le bon sens seul lui servait de guide, c’est-à-dire l’opinion de la foule. Quand la foule n’avait pas d’opinion, par une grâce surnaturelle, il savait deviner celle qu’elle eût dû avoir.

Ah ! que ne l’avez-vous vu siéger, mes amis, mes bons amis, sur son modeste fauteuil de côté, à la Comédie Française ! Il s’efforçait de ne point se faire remarquer. Parfois il semblait dormir : mais c’était à la façon d’Homère, et, comme les dieux d’Homère, un rire inextinguible le secouait du ventre jusqu’à la barbe, aux bons endroits que le public comprend. Il n’avait qu’un préjugé : c’était sa propre intelligence. Il n’était l’adversaire que des idées qu’il ne saisissait pas. Qui de nous oserait tant de charité intellectuelle ?

Les vaudevilles et les farces l’emplissaient d’allégresse. Les drames lui tiraient les larmes. Il s’intéressait à la tragédie. La comédie le divertissait. Il appelait un chat un chat. Sa tolérance était si grande qu’il tâchait souvent de ramener à son niveau les notions qu’il avait du mal à concevoir. D’autres ne se seraient point donné cette peine.