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Page:Schwob - Vies imaginaires, 1896.djvu/140

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la même journée, il devint Cecco Angiolieri comme il le désirait depuis tant d’années : son père, vieux autant qu’Élie ou Énoch, mourut.

Cecco courut à Sienne, défonça les coffres et plongea ses mains dans les sacs de florins nouveaux, se répéta cent fois qu’il n’était plus le pauvre frère Henri, mais noble, seigneur d’Arcidosso et de Montegiovi, plus riche que Dante et meilleur poète. Puis il songea qu’il était pécheur et qu’il avait souhaité la mort de son père. Il se repentit. Il griffonna sur-le-champ un sonnet pour demander au Pape une croisade contre tous ceux qui insulteraient leurs parents. Avide de se confesser, il retourna en hâte à Florence, embrassa le savetier, le supplia d’intercéder auprès de Marie. Il se précipita chez le marchand de cires saintes et acheta un grand cierge. Le savetier l’alluma onctueusement. Tous deux pleurèrent et prièrent Notre-Dame.