Page:Schwob - Vies imaginaires, 1896.djvu/146

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lieu que le chameau est une grande bête dégingandée.) Car Uccello ne se souciait point de la réalité des choses, mais de leur multiplicité et de l’infini des lignes ; de sorte qu’il fit des champs bleus, et des cités rouges, et des cavaliers vêtus d’armures noires sur des chevaux d’ébène dont la bouche est enflammée, et des lances dirigées comme des rayons de lumière vers tous les points du ciel. Et il avait coutume de dessiner des mazocchi, qui sont des cercles de bois recouvert de drap que l’on place sur la tête, de façon que les plis de l’étoffe rejetée entourent tout le visage. Uccello en figura de pointus, d’autres carrés, d’autres à facettes, disposés en pyramides et en cônes, suivant toutes les apparences de la perspective, si bien qu’il trouvait un monde de combinaisons dans les replis du mazocchio. Et le sculpteur Donatello lui disait : « Ah ! Paolo, tu laisses la substance pour l’ombre ! »