Page:Schwob - Vies imaginaires, 1896.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ceaux sauvages qui humaient le sol. Ils traversèrent des fusées frémissantes d’abeilles et des bandes mobiles de fourmis en marche. Et un jour ils parvinrent, en débouchant d’un taillis, à une clairière tout entourée d’anciens chênes-lièges, si étroitement assis, que leur cercle creusait dans le ciel un puits de bleu. Le repos de cet asile était infini. Il semblait qu’on fût dans une large route claire qui allait vers le haut de l’air divin. Lucrèce y fut touché par la bénédiction des espaces calmes.

Avec Memmius il quitta le temple serein de la forêt pour étudier l’éloquence à Rome. L’ancien gentilhomme qui gouvernait la haute maison lui donna un professeur grec et lui enjoignit de ne revenir que lorsqu’il posséderait l’art de mépriser les actions humaines. Lucrèce ne le revit plus. Il mourut solitaire, exécrant le tumulte de la société. Quand Lucrèce revint, il ramenait dans la