Page:Science et foi.djvu/7

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et comme elle s’était rapprochée de l’astre central, elle a parcouru dès lors une orbite plus petite. Donc l’année a été raccourcie. Était-elle plus longue avant l’aventure Josué ? Notre docteur n’en souffle mot. Cependant puisqu’il concilie la foi avec la science, le miracle avec les lois générales de l’univers, il devait au public sur ce point un bout d’explication. Cela m’afflige.

Malgré sa gravité, cette culbute de notre planète n’est pourtant encore une plaisanterie, comparée aux conséquences vraiment sérieuses de la fantaisie du maréchal Josué. On sait depuis peu que le mouvement se transforme en chaleur, comme la chaleur en mouvement. Le père Gratry l’ignorait, il le sait aujourd’hui.

Comment va-t-il se tirer de là ? D’après l’équivalence de ces transformations, la terre, par l’arrêt subit de sa course, aurait été fondue comme une cuiller d’étain, dans la marmite d’un rétameur de casseroles, et le genre humain frit, instantanément, sans beurre ni saindoux.

Ces astres qui se promènent poétiquement dans l’espace sont tout à fait aimables et gracieux. Mais il ne fait pas bon les déranger dans leur promenade. Ils deviennent brutaux en diable et cognent dur. Le colonel Josué n’était pas seulement un ignorant, comme l’appelle avec assez d’irrévérence le savant oratorien, c’était un mal avisé, et il lui en aurait cuit de sa pétulance, si Jéhovah, son ami intime, n’eût paré le coup. Heureusement, Jéhovah savait sa théorie mécanique de la chaleur, puisqu’il l’a inventée, ainsi que l’attraction et le reste. « Tout beau, mes lois ! » s’est-il écrié, « ici derrière ! » Et sur ce, la terre s’est arrêtée honnêtement, gentiment, sans omelette ni scandale, comme un omnibus bien appris.

Le Père Éternel, de toute évidence, a donc mis au panier les lois de l’univers, pour les beaux yeux de Josué, son Benjamin, qui avait besoin de prendre sans retard cinq roitelets et d’égorger quelques milliers d’Amorrhéens. Le Père Gratry, lui, n’admet pas cette confiscation et affirme la concordance du miracle avec les lois. Il légitime de même par la science toutes les aventures et tous les dires bibliques.

Ce n’est certainement ni chrétien, ni raisonnable… deux épithètes bien étonnées de marcher ensemble pour la première fois. Des qu’on suspend une des lois générales, pourquoi pas les autres ? Il n’en coûte pas davantage. On s’épargne du moins ainsi l’inconséquence et la contradiction, et on