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“SCIENTIA„

dégage pas, je ne dirai pas un système, au sens d’un développement coordonné de réponses à certains problèmes fondamentaux, mais du moins une compréhension systématique ou cohérente de la réalité et de la science.

Mais il me semble entendre une voix qui s’élève pour protester contre mon projet de recherche et pour rappeler que l’œuvre de Vailati fut non philosophique, mais scientifique et qu’en tout cas l’expression libre et fragmentaire de sa pensée avait avant tout horreur du systématisme, de quelque nature qu’il fût.

Si nous nous donnons pourtant la peine de soumettre ces objections à un examen critique, à l’aide de la méthode que Vailati a pratiquée de préférence à toute autre, c’est-à-dire en nous proposant de dégager avant tout le sens des mots, nous ne tarderons pas à nous apercevoir que ceux qui refusent à Vailati le caractère d’un philosophe, présupposent en dernière analyse une définition spéciale de la philospbie, cette définition étant construite non pour refléter dans sa réalité historique cette activité de la pensée, mais pour capter le jugement du public en faveur d’une conception particulière, qu’on veut précisément faire valoir comme philosophique, à l’exclusion de toute autre. Aussi des adversaires de ce genre exprimeraient-ils plus clairement leur propre pensée, en affirmant que Vailati avait une « mauvaise philosophie », et en mettant ainsi en lumière leur véritable intention de formuler un jugement de valeur, plutôt qu’un jugement cognitif ou de fait. De même, en ce qui concerne la recherche de quelque chose de systématique dans la pensée de Vailati, cette tentative devient absurde, si on adopte le point de vue formaliste de ceux qui identifient un système philosophique avec un cadre, une classification, un programme posé a priori, tel un récipient qui, s’il plaît à Dieu, restera vide. Mais cette même recherche se justifie, si on se place au point de vue de ceux qui voient se dessiner un système ou une ébauche de système dans toute expression cohérente d’une personnalité intellectuelle, laquelle se révèle spontanément — en dehors de schémas préétablis — dans un vaste et varié travail d’investigation ou de discussion et de critique.

II.

Pour caractériser Vailati d’une manière approximative, d’après les divisions en vigueur dans l’histoire de la philosophie, on peut dire qu’il fut un empiriste critique, qu’il ressuscita le positivisme anglais de David Hume et de Stuart Mill, dont il a explicitement adopté les thèses principales (nominalisme, traduction de tout savoir dans des termes d’expériences possibles). Nous