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COURNOT ET LE PRAGMATISME

la parallaxe ? Adopter le système de Ptolémée, c’est répondre oui ; adopter celui de Copernic, c’est répondre non, c’est affirmer qu’il y a un lien entre les trois phénomènes et cela encore est vrai, bien qu’il n’y ait pas d’espace absolu ». (La valeur de la Science, p. 272-274).

La vérité est ici affirmée surtout au nom du lien qu’elle apporte à des séries de faits dont notre raison ne veut pas croire fortuite la simultanéité. Entre le hasard et la cause commune si simple à énoncer, nous n’hésitons pas, et ne pouvons hésiter. La probabilité est trop grande pour que nous ne soyons pas convaincus, si nous ne sommes pas atteints de quelque maladie mentale. Or c’est exactement là le fond de l’argumentation constante de Cournot ; — comme c’était d’ailleurs le nerf des raisonnements de Laplace, admettant sans hésiter une cause générale et commune aux nombreuses régularités qu’offrent dans leurs mouvements les 43 corps du système solaire ; comme c’est peut-être en somme la raison essentielle de toutes nos affirmations, non directement vérifiâmes. En ce qui concerne Cournot, il faudrait, pour justifier ce que j’avance, citer d’un bout à l’autre l’Essai et le Traité. J’aime mieux choisir quelques exemples ; ils me serviront à montrer l’identité d’orientation dont j’ai parlé, mais aussi à prouver que, dans la même direction, Cournot allait plus loin que nos contemporains.

1o. La mesure du temps. — On sait quelle est la difficulté du problème. « La superposition est inapplicable à la mesure de la durée, et quand on dit que le temps se mesure par le mouvement, on tombe dans un cercle vicieux. Car, si le mouvement n’est pas uniforme, comment pourrait-il servir à mesurer le temps ? Et comment s’assurer qu’il est uniforme ou que le mobile décrit des espaces égaux dans des temps égaux, si l’on n’a pas un autre moyen de mesurer le temps, pour comparer le temps aux espaces décrits ? L’objection est la même, soit qu’on emploie une clepsydre, une horloge, ou que l’on consulte cette grande horloge construite par la Nature et dont les astres sont les aiguilles indicatrices» (Traité, 53).

Cournot posait ainsi clairement par avance le problème qui a été si souvent discuté depuis vingt ans, et dont la solution a été si souvent indiquée dans une convention particulièrement simple et commode, parce qu’elle aboutissait à la forme la plus simple de la mécanique céleste, à savoir