Là encore les efforts de Cournot, dirigés dans le même sens que ceux de M. Poincaré, au moins dans La valeur de la science, portent plus loin. Car malgré le rapprochement qu’a pu faire celui-ci entre les deux problèmes du postulat d’Euelide et de la rotation de la Terre (p. 272), nous avons tous présentes à l’esprit les fameuses paroles : la question de savoir si le postulat est vrai ou faux n’a aucun sens…… Pour Cournot ce qui seul serait dépourvu de sens serait l’exigence d’en donner une démonstration apodictique par l’expérience ou par la logique. Mais, sans qu’il se pose aucun problème métaphysique sur l’origine de nos connaissances, il lui suffit de pouvoir affirmer, au nom de la raison, la conformité du postulat avec des faits ou des idées que normalement elle ne peut contester.
Plus généralement enfin, si le langage de Cournot est bien fait pour fournir à certain pragmatisme des arguments sérieux, si nous le voyons insister fréquemment sur les conditions d’ordre et de fécondité donnant seules leur valeur aux idées, sauf de très rares exceptions (comme la substance et l’atome, qui ne répondent pour lui qu’à des besoins tout subjectifs de la pensée), Cournot fait toujours effort pour dépasser le pragmatisme, pour chercher dans l’ordre même, dans l’harmonie des idées, dans leur fécondité, des raisons d’affirmer une réalité objective sans laquelle ces heureuses connexions ne seraient pas explicables. Il peut nous arriver parfois de le trouver trop réaliste, trop près d’un pythagorisme scientifique qui ne différerait de l’ancien qu’en ce qu’il exclurait l’absolu, mais pourtant j’ai le sentiment que dans le sens même de ce réalisme la lecture de ses livres peut nous faire beaucoup de bien.
Paris, Université.