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immédiate que la mécanique s'était montrée impuissante à lui donner ; et cette mécanique elle-même apparaît aujourd'hui comme une première approximation, largement suffisante dans tous les cas de mouvement de la matière prise en masse, mais dont une expression plus complète doit être cherchée dans la dynamique des électrons. (Cette) notion d'électron, de centre électrisé mobile, que l'expérience nous permet aujourd'hui de saisir individuellement, a pris en peu d'années un développement immense, qui lui fait briser les cadres de l'ancienne physique et renverser l'ordre établi des notions et des lois pour aboutir à une organisation qu'on prévoit simple, harmonieuse et féconde."

Ces conclusions, d'une grande portée philosophique, produisirent une forte impression sur les congressistes. Toutefois, si les jeunes collègues, comme Rutherford, saluèrent avec enthousiasme ces vastes perspectives ouvertes à l'avenir de la science, les physiciens chevronnés furent beaucoup plus réticents: renoncer à la suprématie de la mécanique newtonienne qui, pendant deux siècles, avait été considérée comme le modèle de toutes les constructions de l'esprit, cela représentait un effort auquel beaucoup ne pouvaient se résoudre aisément, et qui pourtant allait bientôt s'imposer avec une évidence accrue. Dans La physique des électrons, Paul Langevin avait également mentionné une hypothèse séduisante qu'il avait déduite de l'inertie électromagnétique : toute l'énergie d'une particule pourrait bien être d'origine électromagnétique. Bientôt ses réflexions dans cette voie devaient le conduire à préciser cette idée. Edmond Bauer raconte qu'il fut un jour bien stupéfait en l'entendant lui dire:

"Je crois que je suis en possession d'une loi fondamentale. L'inertie est une propriété de l'énergie. Toute la masse des corps est proportionnelle à leur énergie interne, elle est égale à cette énergie divisée par le carré de la vitesse de la lumière[1]."

Dans le feu de cette découverte, Paul Langevin, qui était si peu enclin à publier ses travaux, fut tenté de la faire connaître ; mais il en fut dissuadé par tous ses amis physiciens (dont Jean Perrin), qui la jugèrent trop téméraire! Or quelques mois plus tard, en 1906, alors qu'il avait développé sa démonstration sous une forme plus générale que dans le seul cas de l'électron, Bauer lui apporta un numéro des Annalen der Physik dans lequel était énoncée « sa » loi : m = E/(c^2). Il prit aussitôt connaissance des premiers mémoires d'Einstein[2], et, y trouvant le « principe de relativité », il en aperçut immédiatement la portée considérable : il y avait là la clef de tant d'expériences vainement tentées jusqu'alors pour mettre en évidence le mouvement absolu — en particulier celle de Michelson, pourtant de très grande finesse. Enthousiasmé par ces perspectives, Paul Langevin se fait l'ardent défenseur du nouveau principe, et y apporte bientôt des contributions

  1. Bulletin de la Société française de physique, numéro cité, page 10.
  2. Einstein, génial autodidacte, alors âgé de vingt-six ans, ingénieur du Polytechnicum de Zurich, était simple fonctionnaire à l'Office des brevets de Berne.