Page:Scientia extract from the march-april may-june 1973 issue (Le savant hors de sa tour d’ivoire).djvu/24

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Sur le plan collectif, parmi les groupements auxquels Paul Langevin donna la participation la plus active, en dehors de la LDH, il faut mentionner le Comité de vigilance des Intellectuels antifascistes (CVIA), dans la formation duquel, au lendemain de février 1934, il joua un rôle de premier plan ; et le Comité mondial de lutte contre la guerre et le fascisme[1], rassemblement international créé à l'appel de Romain Rolland et d'Henri Barbusse. Dans ces réunions, si différentes des assises scientifiques, et souvent tumultueuses, la présence du grand savant était d'autant plus précieuse à ses amis de combat que, se voulant plus persuasif qu'éloquent, il savait rester « passionné et sage, toujours calme dans la tempête de la dispute »[2]. Aussi faisait-on d'autant plus souvent appel à lui que la lutte devenait plus dure : au moment de la guerre d'Espagne, une faille se produisit, qui alla, s'aggravant, entre ceux qui voyaient clairement les redoutables conséquences des abandons successifs, et les « pacifistes intégraux » qui acceptaient la non-intervention dans les pays déjà victimes du fascisme, croyant ainsi éviter la catastrophe. Peu de mois avant sa mort, Paul Langevin rappelait en ces termes ce qu'avait été pour lui cette période dramatique :

"L'action est devenue particulièrement dure pour ceux qui avaient compris l'origine commune des difficultés du dehors et du dedans. Après avoir été en quelque sorte sensibilisé par ma présence en Chine au moment de l'agression japonaise sur la Mandchourie en 1931, et avoir souffert avec le peuple chinois, j'ai été de ceux qui ont souffert de manière toujours plus aiguë avec l'Ethiopie, l'Espagne, l'Autriche et la Tchécoslovaquie. Mais je compte parmi les heures les plus douloureuses de mon existence celles passées à lutter, au sein du CVIA, contre ceux, bien intentionnés pour la plupart, qui croyaient pouvoir en même temps combattre le fascisme dans notre pays et composer avec lui au dehors au nom d'un pacifisme aussi aveugle qu'intégral. Cet état d'esprit nous a valu le succès de Franco en Espagne et la honte de Munich[3]."

Plus qu'en toute autre peut-être, c'est dans cette lutte en faveur de la République espagnole que chaque épreuve l'atteignait, peut-on dire, en plein coeur. Tel soir, attendu pour dîner chez des intimes, il arriva sur le coup de 22 heures profondément bouleversé d'avoir, avec Victor Basch, multiplié tout le jour les démarches pour tenter d'obtenir, par l'intermédiaire des instances internationales, des garanties de protection pour les populations civiles de Madrid, dont la chute était imminente. En Angleterre, où la menace hitlérienne ne se précisait que plus lentement, l'influence de Paul Langevin détermina

  1. Comité dit d'Amsterdam-Pleyel, en raison des lieux où se tinrent les deux premiers grands meetings, en 1932 et 1933.
  2. Francis Jourdain, Paul Langevin, le militant, La Pensée, numéro 12, 1947, page 65.
  3. La Pensée et l’Action, cf. note 2 de la page 202.