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Page:Scott - Œuvres - tome 21 - Les Chroniques de la Canongate, 1843.djvu/262

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ville gardait le silence et lui prêtait une profonde attention, il commença, non sans une répugnance visible, l’histoire de son aventure nocturne dans la chambre tapissée.

— Je me déshabillai et je me mis au lit aussitôt que Votre Seigneurie m’eut quitté hier au soir. Mais le bois, dans la cheminée qui était presque en face de mon lit, répandait une lumière brillante, et les souvenirs de mon enfance, ainsi que ceux de ma première jeunesse, excités par la rencontre inattendue d’un ancien ami, m’empêchèrent de m’endormir promptement, Je dois dire cependant que ces souvenirs étaient tous d’un genre agréable et gai, fondés sur la certitude d’avoir échangé pour quelque temps les travaux, les fatigues, les dangers de ma profession, contre les jouissances d’une vie paisible et celle de ces liens d’affection que j’avais rompus pour obéir aux devoirs de mon état.

Tandis que des réflexions aussi agréables remplissaient mon esprit et me conduisaient peu à peu au sommeil, je fus subitement éveillé par le frôlement d’une robe de soie et le bruit d’une paire de talons hauts, comme si une femme marchait dans l’appartement. Avant que j’eusse le temps de tirer le rideau pour voir d’où provenait ce bruit, une petite figure de femme passa entre mon lit et le feu. Cette femme me tournait le dos, et je pus observer son cou et ses épaules, qui annonçaient qu’elle était vieille. Son habillement consistait en une robe dont la forme passée de mode était ce que les dames appelaient autrefois, je crois, un sac ; robe entièrement lâche à la ceinture, mais dont les larges plis se trouvaient réunis sur le cou et sur les épaules, retombaient jusqu’à terre, et se terminaient par une espèce de queue.

Je trouvai cette visite assez singulière, mais il ne me vint pas un seul instant à l’esprit que je voyais autre chose que la forme mortelle d’une des vieilles femmes du château, qui, par caprice, s’habillait comme sa grand’mère, et qui, ayant été délogée de sa chambre pour me la céder, avait oublié cette circonstance et revenait à son ancien gîte. Avec cette persuasion, je fis quelque mouvement dans mon lit, et je toussai un peu pour avertir que la chambre était occupée. La vieille se tourna lentement.

Grand Dieu ! Milord, quel visage elle me fit voir ! Je n’eus plus besoin de me demander qui elle était, il n’y avait pas moyen de penser que c’était un être vivant.

Sur un visage qui faisait voir les traits décharnés d’un cadavre, on apercevait aussi les passions viles et haineuses qui avaient animé cette femme pendant sa vie. Le « corps de quelque grande coupable