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IVANHOÉ

Celui qui vit du commerce doit se tenir à la disposition du premier venu qui ait affaire à lui. Isaac reposa aussitôt sans y goûter, sur la table, la coupe de vin grec qu’il venait de porter à ses lèvres, en disant à sa fille :

— Rébecca, voile-toi.

Et il ordonna qu’on admît l’étranger.

À peine Rébecca eut-elle abaissé sur son beau visage un voile de gaze argentée qui descendait jusqu’à ses pieds, que la porte s’ouvrit et que Gurth parut, enveloppé dans les vastes plis de son manteau normand.

Son apparence était plutôt suspecte que prévenante, surtout quand, au lieu d’ôter son bonnet, il l’enfonça encore davantage sur son front rude et hâlé.

— Serais-tu Isaac, le juif d’York ? demanda Gurth en saxon.

— Je le suis, répondit Isaac dans la même langue ; car son commerce l’avait rendu familier avec tous les idiomes en usage alors en Angleterre. Et qui es-tu, toi ?

— Cela ne te regarde pas, répondit Gurth.

— Cela me regarde autant que mon nom t’intéresse toi-même, répliqua Isaac ; car, sans connaître le tien, comment pourrais-je traiter avec toi ?

— Facilement, dit Gurth ; car, comme j’ai de l’argent à donner je dois savoir si je le livre à la véritable personne ; tandis que, toi qui dois le recevoir, je pense que tu te soucieras très-peu de quelles mains il t’arrive.

— Oh ! dit le juif, vous venez me donner de l’argent ? Père Abraham ! cela change nos rapports mutuels. Et de quelle part me l’apportez-vous ?

— De la part du chevalier Déshérité, dit Gurth, le vainqueur du tournoi d’aujourd’hui. C’est le prix de l’armure que lui a fournie Kirgath Jaïram, de Leicester, sur ta recommandation. Le cheval est rendu à ton écurie. Je viens savoir le montant de la somme que j’ai à payer pour l’armure.

— Je l’avais bien dit, que c’était un brave jeune homme !