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IVANHOÉ

— Tu ne peux pas dépasser ce coup-là, Locksley, dit le prince avec un sourire insultant.

— Je vais greffer sa flèche.

Et, ayant pris un peu plus de précautions que la première fois, il lâcha la corde, et sa flèche alla fendre celle de son rival et la fit voler en éclats. La multitude fut si ébahie de cette merveilleuse adresse, qu’elle ne put pas même donner issue à son étonnement par ses acclamations habituelles.

— Il faut que ce soit le diable et non pas un homme de chair et d’os, murmurèrent entre eux les yeomen ; car jamais on n’a vu une pareille force sur l’arc depuis que le premier fut bandé en Angleterre.

— Et maintenant, dit Locksley, je demanderai à Votre Grâce la permission de fixer moi-même un but tel qu’on en emploie dans le nord ; et que chaque brave yeoman qui osera en faire l’essai soit récompensé par un sourire de celle qu’il aime le mieux !

Comme il s’apprêtait à quitter la lice :

— Que vos gardes m’accompagnent, dit-il, si vous le désirez ; je vais seulement couper une baguette dans le premier buisson de saule.

Le prince Jean fit un signal pour que quelques-uns de ses serviteurs le suivissent, afin de l’empêcher de s’esquiver ; mais le cri de Fi donc ! fi donc ! qui jaillit de la multitude, lui fit changer son intention peu généreuse.

Locksley revint presque aussitôt avec une baguette de saule d’environ six pieds de longueur, parfaitement droite et aussi épaisse que le pouce d’un homme. Il commença par la peler avec un grand sang-froid, en faisant observer en même temps que, engager un bon forestier à tirer sur une cible aussi grande que celles qu’on avait employées jusqu’ici, c’était avilir son adresse.

— Quant à moi, dit-il, dans mon pays, les hommes prendraient tout aussi bien pour but la table ronde du roi Arthur, autour de laquelle soixante chevaliers étaient assis,