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IVANHOÉ.

cette corde ; mais ma ferme volonté ne saurait être influencée par une passion puérile et sans espoir. Sachez donc, madame, que ce rival est en mon pouvoir, et qu’il ne tient qu’à moi de trahir le secret de sa présence au château de Front-de-Bœuf, dont la jalousie lui serait plus fatale que la mienne.

— Wilfrid ici ? dit Rowena dédaigneusement. Cela est aussi vrai que Front-de-Bœuf est son rival.

De Bracy la regarda fixement pendant quelques instants.

— Tu l’ignorais donc ? lui dit-il. Tu ne savais donc pas que Wilfrid d’Ivanhoé a voyagé dans la litière du juif ? voiture bien digne, en vérité, d’un croisé, dont le bras vaillant devait conquérir le saint sépulcre !

Et il se mit à rire dédaigneusement.

— Et, s’il est ici, demanda Rowena s’efforçant de voiler ses craintes sous un ton d’indifférence, en quoi est-il le rival de Front-de-Bœuf ? ou qu’a-t-il à craindre de plus qu’un court emprisonnement et le paiement d’une rançon honorable, selon les lois de la chevalerie ?

Rowena, dit de Bracy, toi aussi, serais-tu tombée dans l’erreur commune de ton sexe, qui pense qu’il n’y a d’autre rivalité que celle qui est produite par vos charmes ? Ne sais-tu pas qu’il y a la jalousie de l’ambition et de la richesse aussi bien que la jalousie de l’amour, et que Front-de-Bœuf repoussera de son chemin celui qui met obstacle à ses prétentions à la belle baronnie d’Ivanhoé, aussi vivement, aussi ardemment et avec aussi peu de scrupule que si cet homme lui était préféré par quelque demoiselle aux yeux bleus ? Mais daigne seulement sourire à mes vœux, lady Rowena, et le champion blessé n’aura rien à craindre de Front-de-Bœuf ; sinon, tu pourras le pleurer, car il est entre les mains de celui qui n’a jamais connu la compassion.

— Sauvez-le, pour l’amour du Ciel ! dit Rowena, dont la fermeté fléchissait sous la terreur qu’elle ressentait pour le sort réservé à son amant.