Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/339

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
IVANHOÉ

à grandes enjambées dans la plaine, si, lorsque nous nous retrouverons, je ne mérite pas davantage.

Alors, se tournant vers le château, il jeta le besant d’or au baron et s’écria :

— Normand hypocrite ! que ton argent périsse avec toi !

Front-de-Bœuf n’entendit pas ces paroles ; mais l’action lui fut suspecte.

— Archer, dit-il au garde placé sur le rempart, envoie-moi une flèche au travers du froc de ce moine. Mais attends, dit-il au moment où ce serviteur bandait son arc ; il faut nous fier à lui, puisque nous n’avons rien de mieux à faire. Je pense qu’il n’osera pas me trahir. Au pis aller, je pourrai traiter avec ces chiens de Saxons, qui sont ici en sûreté dans leurs chenils. Holà ! Gilles le geôlier ! qu’on amène devant moi Cédric de Rotherwood et l’autre manant son compagnon ; je veux dire celui de Coningsburg, cet Athelsthane-là, ou bien comment le nomme-t-on ? Leurs noms seuls emplissent la bouche d’un chevalier normand, et sentent pour ainsi dire le lard. Qu’on me serve un gobelet de vin, comme disait le joyeux prince Jean, afin que je me rince la bouche. Portez-le dans l’arsenal et conduisez-y les prisonniers.

Ces ordres furent exécutés, et, en entrant dans cette salle gothique où se trouvaient suspendues bien des dépouilles gagnées par sa propre valeur ou par celle de son père, il trouva un pot de vin sur la table massive de chêne, et les deux Saxons captifs, sous la garde de quatre de ses gens.

Front-de-Bœuf but à longs traits, et ensuite il s’adressa aux prisonniers. La manière dont Wamba avait tiré son bonnet sur sa figure, le changement de costume, l’obscurité de la salle et la connaissance imparfaite qu’avait le baron des traits de Cédric (celui-ci évitait les voisins normands et sortait rarement de ses propres domaines), l’empêchèrent de découvrir que le plus important de ses captifs s’était échappé.

— Vaillants Anglais ! s’écria Front-de-Bœuf, êtes-vous