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IVANHOÉ.

« Il dort, dit-elle ; la nature, épuisée par les souffrances du corps et de l’esprit, par la perte du sang et par l’effet de tant de commotions diverses, profite du premier moment de calme pour s’affaisser dans le sommeil. Hélas ! est-ce un crime de le regarder, peut-être pour la dernière fois ? Il est possible que, dans quelques instants, ses beaux traits ne soient plus animés de cette ardeur vaillante qui ne les abandonne jamais, même dans le sommeil, lorsque, les narines gonflées, la bouche ouverte, les yeux fixes et injectés de sang, ce fier et noble chevalier sera peut-être foulé aux pieds par le dernier varlet de ce château maudit, et ne bougera plus même quand le talon sera levé sur sa tête ! Et mon père ? Ô mon père ! le mal habite avec ta fille, puisque tes cheveux gris sont oubliés pour la blonde chevelure du jeune homme ! Que sais-je si tous ces maux ne sont pas les précurseurs de la colère de Jéhovah contre la dénaturée qui songe à la captivité d’un étranger plutôt qu’à celle de son père ; qui oublie la désolation de Juda pour s’occuper de la beauté d’un gentil et d’un inconnu ? Ah ! j’arracherai cette faiblesse de mon cœur, dût chaque fibre en saigner ! »

Alors elle s’enveloppa complètement de son voile, et s’assit à quelque distance du lit du chevalier blessé, en lui tournant le dos, fortifiant, ou du moins essayant de fortifier son âme non seulement contre les dangers imminents qui menaçaient du dehors, mais aussi contre les sentiments intérieurs qui assaillaient son cœur malgré elle.

XXX

Dans l’intervalle de repos qui suivit les premiers succès des assiégeants, tandis qu’un parti se disposait à poursuivre