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IVANHOÉ.

ne lui avait pas arrachée ; mais il y avait, dans l’attachement à moitié instinctif de son bouffon, quelque chose qui secouait sa nature d’une manière plus énergique que la douleur même.

— Eh ! mais, dit le bouffon en s’arrachant aux étreintes de son maître, si vous payez mon service avec l’eau de vos yeux, il faudra que le bouffon pleure de compagnie, et alors que deviendront ses fonctions ? Tenez, mon oncle, si vous voulez vraiment me faire plaisir, je vous prie de pardonner à mon camarade Gurth, qui a dérobé une semaine à votre service pour la donner à votre fils.

— Lui pardonner ?… s’écria Cédric. Non seulement je lui pardonne, mais encore je le récompense. Agenouille-toi Gurth.

Le porcher fut en un instant aux pieds de son maître.

Theow and esne (ni serf ni esclave) tu n’es plus, reprit Cédric le touchant d’une baguette ; folk free sacless (homme libre et dans la loi) tu es, dans la ville et hors de la ville, dans les champs comme hors de la forêt. Je te fais don de quarante arpents de terre dans mes domaines de Walbrugham, que je cède, pour moi et les miens, à toi et aux tiens, à jamais et pour toujours ; et que la malédiction du Ciel descende sur la tête de celui qui révoquerait ce don !

Ravi d’être sorti de servage, enchanté de se trouver homme libre et propriétaire, Gurth sauta sur ses pieds et bondit deux fois presque à la hauteur de sa tête.

— Un forgeron et une lime ! cria-t-il, pour enlever ce collier du cou d’un homme libre. Mon noble maître, votre don a doublé ma force, et je me battrai pour vous avec un double courage ; il y a un cœur libre dans ma poitrine. Je me sens tout changé et tout change pour moi. Ah ! Fangs, ajouta-t-il, te voilà (car le fidèle animal, en voyant son maître ainsi transporté, s’était mis à sauter sur lui pour lui exprimer sa sympathie) ; connais-tu encore ton maître ?

— Oui, dit Wamba, Fangs et moi, nous te connaissons encore, Gurth, quoique nous portions toujours le collier ;