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IVANHOÉ.

— Que Dieu vous bénisse, hommes braves ! ajouta-t-elle, que Dieu et Notre-Dame vous bénissent et vous récompensent de vous être si vaillamment exposés pour la cause des opprimés ! Si jamais quelqu’un de vous a faim, souvenez-vous que Rowena peut le nourrir ; si vous avez soif, qu’elle a maints muids de vin et d’ale brune ; et, si les Normands vous expulsent de ces forêts, Rowena a aussi des forêts où ses vaillants défenseurs pourront errer en pleine liberté sans qu’aucun garde vienne jamais leur demander quelle flèche a abattu le daim.

— Bien des grâces, noble lady ! répondit Locksley ; je vous remercie pour mes compagnons et pour moi ; mais c’est déjà une récompense que de vous avoir sauvée ; nous qui errons sous la feuillée, nous avons plus d’une chose à nous reprocher, mais la délivrance de lady Rowena sera peut-être admise là-haut comme expiation.

Rowena, les ayant salués de nouveau, se disposait à prendre congé d’eux ; mais, s’étant arrêtée un instant pendant que Cédric, qui devait l’accompagner, faisait aussi ses adieux, elle se trouva inopinément près du prisonnier de Bracy.

Il était debout sous un arbre, absorbé dans une profonde rêverie, les bras croisés sur sa poitrine, et Rowena espérait pouvoir passer devant lui inaperçue ; mais il leva les yeux, et, à la vue de la noble Saxonne, le rouge de la honte lui monta au visage ; un instant il demeura irrésolu ; puis, s’avançant vers elle, il saisit les rênes de son palefroi et plia un genou en terre.

Lady Rowena daignera-t-elle jeter les yeux sur un chevalier captif, sur un soldat déshonoré ?

— Messire chevalier, répondit Rowena, dans des entreprises telles que les vôtres, le déshonneur se trouve dans le succès et non dans la défaite.

— Le triomphe, madame, doit adoucir le cœur, répondit de Bracy. Que j’apprenne seulement que lady Rowena pardonne la violence occasionnée par une passion funeste, et