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IVANHOÉ.

pont-levis, tandis que d’autres, portant aussi ce triste uniforme, se promenaient sur les remparts d’un pas lugubre, ressemblant plutôt à des spectres qu’à des soldats. Les officiers subalternes de l’ordre portaient le même costume noir, depuis que l’usage des vêtements blancs, pareils à ceux des chevaliers et des écuyers, avait été usurpé, dans les montagnes de la Palestine, par une congrégation de faux frères se disant templiers et jetant par leurs brigandages un grand déshonneur sur l’ordre. De temps en temps, on voyait un chevalier traverser la cour, enveloppé de son grand manteau blanc, la tête penchée sur la poitrine, et les bras croisés. Quand ils se rencontraient par hasard dans la cour, ils passaient les uns devant les autres, se faisant un salut lent, solennel et muet ; car telle était la règle de l’ordre, suivant cette maxime des textes sacrés : « Ce n’est pas le moyen d’éviter le péché que de parler beaucoup ; la vie et la mort sont au pouvoir de la langue. » En un mot, la rigueur ascétique de la discipline du Temple, qui depuis si longtemps avait fait place à la licence et au libertinage, semblait tout à coup revivre à Templestowe, sous l’œil rigide de Lucas de Beaumanoir.

Isaac s’arrêta devant la porte pour réfléchir aux moyens de se procurer l’entrée du château, et à la manière d’être favorablement écouté ; car il n’ignorait pas que, pour sa race malheureuse, le fanatisme de l’ordre n’était pas moins dangereux que la luxure effrénée, et que sa religion deviendrait le prétexte de la haine et de la persécution, dans ce cas, aussi bien que sa richesse l’exposait, dans l’autre, aux extorsions d’une rapacité implacable.

En ce moment, Lucas de Beaumanoir se promenait dans un petit jardin appartenant à la commanderie, faisant partie de la fortification extérieure ; il avait une triste et confidentielle conversation avec un frère de son ordre qu’il avait amené de la Palestine.

Le grand maître était un homme d’un âge avancé, comme le prouvaient sa longue barbe blanche et ses sourcils déjà