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IVANHOÉ.

— Eh bien ! donc, retournez la tapisserie, reprit Rébecca, et montrez-moi le côté opposé.

— Si je me présente dans la fatale lice, reprit le templier, vous mourrez d’une mort lente et cruelle, dans ces tourments qu’on prétend réservés aux coupables après leur mort ; mais, si je ne m’y présente pas, je suis un chevalier dégradé et déshonoré, accusé de sorcellerie et de communion avec les infidèles. Le nom illustre que je porte, et auquel j’ai su donner le plus grand éclat, devient un titre de honte et de reproche ; je perds ma renommée, mon honneur et même la perspective d’une grandeur que les empereurs ont peine à atteindre ; je sacrifie une puissante ambition ; je détruis des desseins qui me portaient aussi haut que les montagnes qui ont servi, suivant les païens, à escalader le ciel. Et cependant, Rébecca, ajouta-t-il se jetant à ses pieds, cette grandeur, je suis prêt à la sacrifier ; cette renommée, j’y renonce ; cette puissance, je l’abdique, aujourd’hui même que je la sens presque entre mes mains, si vous voulez seulement me dire : « Bois-Guilbert, sois mon amant. »

— Ne songez pas à de pareilles frivolités, chevalier, répondit Rébecca ; mais allez trouver le régent, la reine mère, le prince Jean : ils ne pourront, pour l’honneur de la Couronne d’Angleterre, laisser exécuter le jugement de votre grand maître. De cette manière, vous m’aurez protégée sans faire de sacrifice ou sans exiger de moi une récompense impossible.

— Je n’ai rien à démêler avec eux, continua-t-il en saisissant le bas de sa robe ; c’est à vous seule que je m’adresse ; et qu’y a-t-il qui puisse servir de contrepoids à votre décision ? Songez-y bien ; quand je serais un démon, je serais encore préférable au trépas, et c’est le trépas qui est mon rival.

— Je ne suis pas dans une situation d’esprit à examiner tout cela, répondit la juive craignant de provoquer le fougueux chevalier, et cependant bien résolue à ne plus lui laisser le moindre espoir. Soyez homme ! soyez chrétien ! Si