Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/557

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d’Athelsthane avaient fait observer cette coutume dans toute son étendue.

On voyait donc des troupes nombreuses, les unes montant, les autres descendant la colline sur laquelle le château était situé, et, lorsque le roi Richard et sa suite eurent franchi la porte ouverte et non gardée de la première barrière, l’enceinte où ils se trouvaient leur offrit une scène qu’il était difficile de concilier avec le sujet mélancolique de la réunion.

D’un côté, des cuisiniers faisaient rôtir en plein air des bœufs énormes et des moutons gras et des veaux ; d’un autre côté, on défonçait des tonneaux d’ale qui étaient placés là pour être vidés au gré de tous les assistants ; des groupes de toute sorte dévoraient la nourriture et avalaient la bière ainsi livrée à leur discrétion. Là, le serf saxon au corps nu noyait le souvenir de six mois de faim et de soif en un jour de gloutonnerie et d’ivresse ; là aussi, le bourgeois replet et le commerçant joufflu mangeaient le morceau qu’ils croyaient le plus délicat, et louaient ou critiquaient la qualité de l’ale et l’habileté du brasseur.

Un petit nombre de seigneurs normands se voyaient aussi, aisément reconnaissables à leur menton rasé et à leur manteau court ; ceux-ci se tenaient ensemble à l’écart, regardant avec un grand dédain la cérémonie, tout en profitant de la bonne chère qu’on dispensait si libéralement.

Il va sans dire que les mendiants étaient là par centaines, ainsi que les soldats vagabonds revenus de Palestine (ils le disaient du moins). Les colporteurs étalaient leurs marchandises, les ouvriers ambulants cherchaient de l’emploi, des pèlerins errants, des prêtres des montagnes, des ménestrels saxons, des bardes gallois marmottaient des prières et déchiraient les oreilles avec leurs instruments et leur musique discordante. L’un célébrait les louanges d’Athelsthane dans un panégyrique lugubre ; un autre redisait, dans un poème généalogique en langue saxonne, les noms étrangement durs et sauvages de ses nobles ancêtres.