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INTRODUCTION

état où se trouvait alors le pays, des personnes dans la position de David et de sa sœur étaient sûres d’avoir de quoi vivre ; il leur suffisait de s’adresser au propriétaire le plus voisin ou à quelque fermier aisé, et elles les trouvaient toujours prêts à pourvoir à leurs modestes besoins. Enfin David n’avait aucun besoin d’argent, si ce n’est pour acheter du tabac. Lorsqu’il mourut (au commencement de ce siècle), on trouva qu’il avait amassé environ vingt livres, circonstance qui peint un des traits de son caractère ; car la richesse, c’est le pouvoir, et le pouvoir c’était ce que désirait posséder David Ritchie, comme une compensation à son exclusion de toute société humaine.

Sa sœur lui survécut jusqu’à la publication de l’ouvrage dont cette courte notice forme l’introduction, et je fus fâché d’apprendre qu’une sorte de « sympathie locale, » et la curiosité qu’on éprouvait alors pour ce qui concernait l’auteur de Waverley et le sujet de ses ouvrages, aient exposé la pauvre femme à des importunités qui lui causèrent de la peine. Lorsqu’on la pressait de questions sur son frère, elle demandait à son tour si l’on ne voulait pas permettre que les morts reposassent en paix.

L’auteur vit ce malheureux homme, dans l’automne de 1797 ; car alors il était, comme il a encore le bonheur de l’être aujourd’hui, lié par l’amitié la plus sincère à la famille du vénérable docteur Adam Ferguson, le philosophe et l’historien, qui habitait la Mansion-House d’Halyards, dans la vallée de Manor, à environ un mille de l’ermitage de Ritchie. C’est durant un séjour à Halyards que l’auteur connut ce singulier anachorète. M. Fergusson assistait David de diverses manières, il lui prêtait même des livres ; et bien que le goût du philosophe et celui du pauvre paysan ne fussent pas toujours en harmonie, le premier regardait l’autre comme un homme d’une grande capacité, dont les idées avaient de l’originalité, mais dont l’esprit avait été égaré par un amour-propre auquel le mépris causait la plus violente irritation.

David Ritchie était mort depuis plusieurs années, quand l’auteur conçut l’idée qu’un tel caractère pourrait avoir un grand intérêt dans une fiction. Il traça celui d’Elshie de Mucklestane-Moor. L’ouvrage devait être plus long qu’il ne l’est, et la catastrophe plus adroitement amenée. Mais un critique de mes amis à l’opinion duquel je soumettais ma composition, pensa que le caractère de l’anachorète était d’une nature trop révoltante, et plus fait pour dégoûter que pour intéresser le lecteur. Comme j’avais des raisons de considérer mon conseiller pour un excellent juge de l’opinion publique, je terminai mon travail aussi vite que possible, et n’ayant fait qu’un volume d’une histoire qui devait en avoir deux, j’ai peut-être produit un ouvrage aussi difforme que le Nain noir qui en est le sujet.