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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

mena une vie errante jusqu’au jour de sa mort. Pendant son pélerinage, ce pieux enthousiaste réglait ses courses de manière à visiter annuellement les sépultures des malheureux presbytériens qui avaient souffert par le glaive ou par la main du bourreau sous le règne des deux derniers Stuarts. Partout où elles existaient, Old Mortality ne manquait jamais de les visiter dans sa tournée annuelle.

Au fond des retraites les plus solitaires des montagnes, le chasseur a souvent été surpris de le voir occupé à dépouiller les pierres funéraires de la mousse qui les couvrait, pour rétablir avec son ciseau les inscriptions à demi effacées et les emblèmes dont sont ornés les plus simples monuments. Une piété sincère était le seul motif qui portât le vieillard à consacrer tant d’années de sa vie à honorer de cette manière la mémoire des défenseurs de l’église : il croyait remplir un devoir sacré en conservant pour la postérité les emblèmes du zèle et des souffrances de nos ancêtres, et en entretenant la flamme du phare qui devait exciter les générations futures à défendre leur religion au prix de leur sang.

Dans le cours de ses pélerinages, le vieillard semblait n’avoir jamais besoin d’assistance pécuniaire et n’en acceptait jamais. Il est vrai qu’il ne manquait de rien, car partout il trouvait une franche hospitalité sous le toit de quelque caméronien de sa secte. Il reconnaissait l’accueil qu’on lui faisait, en réparant les tombeaux de la famille ou des ancêtres de ses hôtes ; et comme on le rencontrait le plus ordinairement livré à cette tâche dans quelque cimetière de village, ou penché sur une tombe isolée dans les landes, cette habitude de vivre parmi les tombeaux lui avait fait donner le nom de Old Mortality ou le Vieillard de la mort.

Le caractère d’un tel homme ne pouvait guère avoir d’affinité, cependant il passe parmi ceux de sa secte pour avoir été d’une humeur riante. Les descendants des persécuteurs qui lui cherchaient parfois querelle, étaient traités par lui de race de vipères ; dans ses entretiens avec les gens raisonnables, il se montrait grave, sentencieux et même un peu sévère ; mais on ne le vit jamais se livrer à une colère violente.

Je reviens aux circonstances de ma première entrevue avec lui.

Pour l’aborder, je n’oubliai pas de rendre hommage à son âge et à ses principes. Le vieillard fit une pause, ôta ses lunettes, les essuya, et les remettant sur son nez, répondit à ma politesse avec cordialité. Encouragé par son ton affable, je hasardai quelques questions sur ceux dont il réparait alors le monument. Parler des exploits des presbytériens était alors son plaisir, comme la conservation de leurs monuments formait son occupation : il devenait