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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

avis ni remontrances pour diminuer le nombre de ceux qui se rendaient aux wappen-schaws, car ils savaient que c’était le moyen d’affaiblir la force apparente et la force réelle du gouvernement, en empêchant la propagation de cet esprit de corps qui ne manque jamais de s’établir entre jeunes gens habitués à se réunir pour des exercices militaires ou des jeux d’adresse. Ils consacraient donc tous leurs efforts à retenir les sectaires qui pouvaient fournir des excuses pour se dispenser d’y paraître, et censuraient sévèrement ceux qu’y attirait la simple curiosité ou l’attrait du plaisir. Néanmoins les membres de la noblesse qui partageaient leurs principes ne pouvaient pas toujours se laisser guider par eux : la loi était péremptoire ; et le conseil privé, investi du pouvoir exécutif en Écosse, appliquait dans toute leur rigueur les statuts portés contre les vassaux de la couronne qui n’obéissaient pas à ces appels périodiques. Les propriétaires étaient donc dans la nécessité d’envoyer au wappen-schaw leurs fils, leurs tenanciers, leurs vassaux. Il arrivait fréquemment que, malgré la stricte recommandation de revenir aussitôt après la revue, les jeunes gens ne pouvaient ni résister au désir de prendre leur part des divertissements qui la terminaient, ni se dispenser d’aller écouter les prières prononcées dans les églises à cette occasion. C’était là ce que les pères et mères appelaient se livrer à la chose maudite qui est une abomination devant le Seigneur.

Le shérif du comté de Lanark avait convoqué le wappen-schaw d’un district pittoresque, appelé le canton supérieur du Clydesdale, pour la matinée du 5 mai 1679. L’assemblée se tenait dans une vaste plaine. Après la revue, les jeunes gens devaient, selon l’usage, se livrer à divers exercices. On pense bien que les dames des environs s’étaient empressées d’assister à cette cérémonie, excepté celles qui, esclaves des lois rigoureuses du puritanisme, auraient cru charger leur conscience d’un crime en autorisant par leur présence les profanes amusements des impies.

Dans ces temps de simplicité, les landaus, les barouches ou les tilburys n’étaient pas encore connus. Le seul lord-lieutenant du comté (personnage du rang d’un duc) avait une voiture à quatre roues, dont la lourde charpente ne ressemblait pas mal aux mauvaises gravures de l’arche de Noé. Huit gros chevaux flamands à tous crins traînaient ce char massif, qui contenait huit places à l’intérieur et six à l’extérieur. Les premières étaient occupées par Leurs Grâces le lord-lieutenant et sa noble moitié, deux enfants, deux dames d’honneur, et un chapelain rencogné dans une niche latérale, formée par une projection de la portière, que sa configuration particulière faisait nommer la botte ; enfin, dans l’enfon-