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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Ma force vient de celui qui est la source de toute force, et tu vas servir d’exemple aux mauvais railleurs.

À ces mots, l’inconnu mit bas son manteau. Nullement intimidé par les formes robustes et l’air fier de son antagoniste, le soldat déboucla son ceinturon et se dépouilla de son uniforme. Tous les assistants les entouraient.

Le militaire parut d’abord l’emporter. Il était évident qu’il avait employé toutes ses forces, au lieu que son antagoniste ménageait prudemment les siennes. Enfin celui-ci, dans une vigoureuse étreinte, l’enleva de terre, puis le jeta si rudement sur le carreau, qu’il y resta quelques instants étourdi et sans mouvement.

— Vous avez tué mon brigadier, s’écria Holliday en tirant son sabre, et, par tout ce qu’il y a de plus sacré, vous m’en ferez raison.

— Arrêtez, dirent Morton et les autres assistants ; tout s’est passé dans les règles, et votre camarade n’a trouvé que ce qu’il cherchait.

— C’est vrai, dit Bothwell en se relevant ; rengainez, Tom ; je ne croyais pas possible que le plus fier plumet du régiment des gardes fût jeté sur le plancher par un tondu de puritain. — Alors, serrant fortement la main de l’étranger : — L’ami, lui dit-il, nous nous retrouverons quelque jour, et nous jouerons un jeu un peu plus sérieux.

— Et quand ce moment arrivera, répliqua l’étranger, je vous promets que lorsque je vous aurai renversé, vous ne vous relèverez pas si facilement.

— Fort bien ! si tu es puritain, du moins ne manques-tu ni de force ni de courage. Je te souhaite bien du bonheur ; mais, crois-moi, décampe sur ton bidet avant que le cornette vienne faire sa ronde, car il a fait arrêter plus d’un drôle qui avait l’air moins suspect que toi.

L’étranger pensa probablement que cet avis n’était pas à dédaigner, car il paya son écot, et, courant à l’écurie, sella lui-même son cheval noir. Comme il sortait, il rencontra Morton. — Je vais du côté de Milnwood, voulez-vous me permettre de profiter de votre compagnie ?

— Volontiers, répondit le jeune homme, quoiqu’il trouvât dans cette physionomie farouche quelque chose qui lui répugnait.

Après un adieu amical, les compagnons de Morton se dispersèrent.

La compagnie avait à peine quitté la taverne, qu’on entendit le bruit des tambours et le son des trompettes. Les dragons se rassemblèrent précipitamment sur la place du marché, et bientôt le cornette Grahame entra chez Niel Blane, accompagné du prévôt de la ville avec six soldats et des agents de la police municipale.