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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Votre maison est-elle près d’ici ? pouvez-vous m’y recevoir ?

— Ma chaumière n’est qu’à un mille ; mais quatre dragons, qui y sont logés, dévastent le peu que je possède.

— Adieu, bonne femme ; je vous remercie.

— Que les bénédictions de la promesse vous accompagnent !

Amen ! répondit-il, car aucune prudence humaine ne saurait m’indiquer un lieu où je puisse pour cette nuit abriter ma tête.

— Je suis désolé de votre détresse, dit Morton : si j’avais une maison à moi, je vous y recevrais plutôt que de vous laisser exposé au danger qui semble vous menacer ; mais mon oncle est tellement alarmé des peines et des amendes prononcées contre ceux qui ont des liaisons avec les presbytériens réfractaires, qu’il nous a défendu d’avoir aucune communication avec eux.

— Je m’y attendais. Vous pourriez pourtant m’y recevoir sans qu’il en sût rien. Une grange, une écurie me serviraient d’asile.

— Je vous assure qu’il m’est impossible de vous faire entrer à Milnwood sans le consentement de mon oncle, et, quand je le pourrais, je me croirais inexcusable de l’exposer à celui de tous les dangers qu’il redoute le plus.

— Je n’ai plus qu’un mot à vous dire. Votre père ne vous a-t-il jamais parlé de John Balfour de Burley ?

— Son ancien compagnon d’armes, qui lui a sauvé la vie à la bataille de Long-Marston-Moor, au risque de la sienne ?

— Je suis ce Balfour. Voilà devant nous la maison de ton oncle ; la vengeance du sang me poursuit, et ma mort est certaine si tu me refuses l’asile que je te demande. Maintenant, tu as le choix, jeune homme : éloigne-toi de l’ami de ton père, livre-le à la mort dont il préserva celui à qui tu dois le jour ; ou bien expose les biens périssables de ton oncle au danger qui menace celui dont la charité donne un morceau de pain ou un verre d’eau au chrétien mourant de besoin.

D’anciens souvenirs vinrent alors se présenter à l’esprit de Morton. Son père, dont il idolâtrait la mémoire, lui avait parlé mille fois du service signalé que Balfour de Burley lui avait rendu, et il l’avait entendu regretter de s’être séparé de lui avec quelque aigreur, après avoir été si longtemps son camarade, lorsque le royaume d’Écosse se divisa en deux partis, celui des protestants qui penchaient pour les principes de la révolution, et celui des résolus qui s’attachèrent aux intérêts du trône après la mort ignominieuse de Charles Ier. L’ardent fanatisme de Burley l’avait entraîné dans le parti des républicains, et les deux compagnons d’armes s’étaient engagés sous des bannières différentes, pour ne plus se revoir.

Morton hésitait encore, quand le son du tambour, qui retentissait