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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

ques reflets. Lorsque le dernier dragon eut disparu, Morton songea à aller rejoindre Balfour. En entrant dans son asile, il le trouva assis sur son humble couche, tenant à la main une Bible de poche. Son épée, que dès la première alarme il avait tirée du fourreau, était en travers sur ses genoux, et une faible lumière éclairait à demi ses traits durs et farouches.

Burley leva la tête quand Morton l’eut contemplé pendant une minute. — Je vois, lui dit celui-ci en jetant un coup d’œil sur l’épée, que vous avez entendu le bruit de la cavalerie.

— J’y ai fait peu d’attention : mon heure n’est pas encore sonnée. Je sais bien qu’un jour j’irai rejoindre les saints qu’ils ont massacrés. Plût à Dieu que mon heure fût venue ! elle me réjouirait ; mais si mon maître me rappelle à l’ouvrage, je dois obéir sans murmurer.

— Mangez et réparez vos forces ; votre sûreté vous fait une loi de partir demain, dès que le jour vous permettra de distinguer à travers la plaine le sentier qui conduit aux montagnes.

— Vous êtes déjà las de moi, jeune homme ? Vous le seriez davantage si vous connaissiez l’œuvre que je viens d’accomplir. — Mais je n’en suis pas surpris ; il y a des moments où je suis las de moi-même. Pensez-vous qu’il ne soit pas pénible de se sentir appelé à exécuter les justes jugements du ciel, de renoncer à ce sentiment involontaire qui fait frissonner l’homme quand il trempe ses mains dans le sang ? Croyez-vous que celui qui vient de frapper un tyran ne porte pas sur lui-même un œil d’effroi en le voyant tomber ? Croyez-vous qu’il ne doute pas quelquefois si dans ses prières il n’a pas confondu les réponses de la Vérité avec les illusions trompeuses de l’Ennemi ?

— Je ne suis pas en état de discuter sur de pareils sujets ; mais je ne croirai jamais que le ciel puisse inspirer des actions contraires aux sentiments dont il a fait la loi de notre conduite.

— Il est naturel que vous pensiez ainsi : vous êtes encore dans une obscurité plus profonde que celle qui régnait dans le cachot où fut plongé Jérémie. Et cependant le sceau du Covenant est sur votre front. Le fils du juste qui résista aux lois de sang lorsque la bannière flotta sur les montagnes ne restera pas enseveli dans d’éternelles ténèbres. Dans ces temps d’amertume et de malheur, croyez-vous que tout ce qui est exigé de nous soit de maintenir le règne de la loi morale autant que le permet notre charnelle fragilité ? Croyez-vous qu’il ne s’agisse que de dompter nos affections corrompues et nos passions ? Non, quand nous avons ceint nos reins nous sommes appelés à parcourir notre carrière avec cou-