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LE NAIN NOIR

— Chut ! chut ! dit Hobbie, j’avais oublié… Mais je vous dirais bien monsieur Patrick, ce qui arrête votre bras. Nous savons que ce n’est pas le manque de courage ; ce sont les deux yeux d’une jolie fille, de miss Isabelle Vere, qui vous tiennent si tranquille.

— Je vous assure que vous vous trompez, Hobbie, et vous avez grand tort de parler ainsi. Je n’aime pas qu’on se donne la liberté de joindre inconsidérément à mon nom celui d’une demoiselle.

— Là ! ne vous disais-je pas bien que si vous étiez si calme, ce n’était pas faute de courage ? — Allons, je n’ai pas eu dessein de vous offenser. Mais il y a encore une chose qu’il faut que je vous dise entre amis. Le vieux laird d’Ellieslaw a plus que vous dans ses veines l’ancien sang du pays. Il n’entend rien à toutes ces nouvelles idées de paix ; il est pour les expéditions et les coups du bon vieux temps. On voit à sa suite une foule de vigoureux garçons. Aussi, dès qu’il y aura un soulèvement il sera un des premiers à se déclarer. Or, croyez bien qu’il n’a pas oublié son ancienne querelle avec votre famille ; je parierais qu’il rendra quelque visite à la vieille tour d’Earnscliff.

— S’il est assez malavisé pour le faire, Hobbie, j’espère lui prouver que la vieille tour est encore assez solide pour lui résister.

— Fort bien ! vous parlez en homme à présent… Eh bien, si jamais il vous attaque, faites sonner la grosse cloche de la tour, et en un clin d’œil vous m’y verrez arriver avec mes deux frères, le petit Davie de Stenhouse, et tous ceux que je pourrai ramasser.

— Je vous remercie, Hobbie ; mais j’espère que, dans le temps où nous vivons, nous ne verrons pas des événements si contraires à tous les sentiments de religion et d’humanité.

— Bah ! monsieur Patrick, ce ne serait qu’un petit bout de guerre entre voisins : le ciel et la terre le savent, dans un pays si peu civilisé, c’est la nature du pays et des habitants.

— Pour un homme qui croit aussi fermement que vous aux apparitions surnaturelles, il me semble que vous parlez du ciel un peu légèrement.

— Est-ce que la plaine de Mucklestane m’effraie plus que vous, Earnscliff ? Je n’ignore pas qu’il y revient des esprits, mais qu’est-ce que j’ai à craindre ? J’ai une bonne conscience.

— Et Dick Turnbull, à qui vous cassâtes la tête, et Williams de Winton, sur qui vous fîtes feu ?

— Ah ! monsieur Earnscliff, vous tenez donc un registre de mes mauvais tours ? La tête de Dick est guérie, et nous devons vider notre différend, le jour de Sainte-Croix, à Jeddart. Quant à Willie, nous sommes redevenus amis. Mais, Dieu me préserve ! Earnscliff, qu’est-ce que j’aperçois là-bas ?