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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

Les soldats, voyant derrière lui le grand nombre de presbytériens qui avaient dépassé le marais, rompirent leurs rangs ; à chaque pas, Allan et Evandale trouvaient leur tâche de plus en plus difficile. Lorsqu’on approcha du plateau élevé d’où les dragons étaient descendus pour leur malheur, l’épouvante devint presque panique, tant chacun était impatient de mettre le sommet de la montagne entre soi et le feu continuel des presbytériens. Plusieurs prirent la fuite au galop.

Au milieu de cette scène de tumulte et de confusion, des plaintes des blessés, des acclamations du triomphe, Evandale ne put s’empêcher d’admirer le sang-froid du colonel ; en déjeunant le matin chez lady Marguerite, il n’avait pas l’air plus calme. Claverhouse s’étant approché du capitaine lui dit : — Encore cinq minutes, et ces coquins nous laisseront, à vous, au vieil Allan et à moi, l’honneur de soutenir seuls le combat. Il faut que je disperse les fusiliers qui nous importunent de si près. Ne cherchez pas à me secourir, si vous me voyez succomber ; mais tenez-vous à la tête de vos dragons. Tirez-vous d’ici comme vous pourrez, et allez annoncer au roi et au conseil privé que je suis mort en faisant mon devoir.

Il se fit suivre par une vingtaine de braves, et, à leur tête, il fournit une charge si impétueuse, qu’il porta le désordre dans les premiers rangs des ennemis et les força de reculer. Dans la confusion de cette attaque, il distingua Balfour. Voulant frapper de terreur les presbytériens, ii lui déchargea sur la tête un coup tellement vigoureux, qu’il fendit l’espèce de casque qui la couvrait, et le renversa de cheval, étourdi, mais non blessé. On ne manqua pas, par la suite, de trouver merveilleux qu’un homme aussi robuste que Balfour de Burley eût succombé sous l’effort de Claverhouse, si faiblement constitué en apparence, et par conséquent le vulgaire attribua à un secours surnaturel l’effet de cette énergie. Claverhouse cependant s’était engagé trop avant, il se trouva entouré.

Lord Evandale vit le danger que courait son colonel. Les dragons qu’il conduisait venaient de faire halte. Oubliant les recommandations de Claverhouse, il ordonna à sa troupe de descendre la hauteur, pour le dégager. Les uns obéirent, les autres prirent la fuite ; mais, à la tête de ceux qui voulurent bien le suivre, il courut à son secours. Il était temps : le cheval du colonel venait d’être blessé d’un coup de faux par un paysan qui se disposait à lui en porter un second, quand lui-même fut renversé par Evandale.

Lorsqu’ils furent hors de la mêlée, ils regardèrent autour d’eux. L’autorité d’Allan avait été insuffisante pour retenir ses hommes ; ceux d’Evandale s’étaient dispersés de toutes parts.