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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/238

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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Vous croyez donc que, dans des temps difficiles, le Tout-Puissant ne suscite pas des instruments pour délivrer son église de l’oppression ? Vous pensez que la justice d’une exécution consiste, non dans le crime du coupable, ou dans l’effet salutaire de l’exemple, mais seulement dans la robe du juge, le siège du tribunal ? Un châtiment juste n’est-il pas aussi juste dans une bruyère déserte que sur un échafaud ? Et quand, par avarice ou par leur alliance avec les transgresseurs, des juges constitués souffrent non seulement qu’ils traversent le pays en liberté, mais encore qu’ils s’asseyent parmi eux, et teignent leurs vêtements dans le sang des saints, ne doit-on pas des louanges aux braves qui consacrent leur épée à la cause publique !

— Je ne veux juger cette action individuelle que pour vous faire connaître mes principes : je vous répète donc que votre comparaison ne me convainc pas. Que le Tout-Puissant appelle un homme sanguinaire à verser le sang d’un coupable, cela justifie-t-il ceux qui, sans aucune autorité, prennent sur eux de se rendre les instruments d’un meurtre, et osent s’appeler les exécuteurs de la vengeance divine ?

— Et ne le sommes-nous pas ? dit Burley d’un ton d’enthousiasme. Tous ceux qui ont reconnu le Covenant et la sainte ligue de l’église d’Écosse ne sont-ils pas obligés par le Covenant à exterminer le Judas qui a vendu la cause de Dieu pour cinquante mille marcs d’argent de revenu annuel ? Si nous l’avions rencontré sur le chemin lorsqu’il revenait de nous trahir à Londres, et si nous l’avions frappé alors du tranchant de l’épée, nous n’aurions fait que remplir le devoir d’hommes fidèles à leur cause et à leurs serments enregistrés dans le ciel. L’exécution elle-même n’est-elle pas la preuve de notre mission ?

— Vous vous abusez vous-même, monsieur Balfour. Mais ce n’est pas à moi qu’il appartient de vous juger. La première délivrance de l’Écosse eut pour signal un acte de violence qu’aucun homme ne peut justifier, le meurtre de Cumming par la main de Robert Bruce. Tout en blâmant votre action, je veux bien supposer que vous avez eu des motifs valables à vos yeux, sinon aux miens. Je n’en parle que pour vous déclarer que je prétends me joindre à des hommes prêts à faire la guerre comme le doivent les nations civilisées, mais sans approuver l’acte de violence qui l’a fait naître.

Balfour se mordit les lèvres, et se contint pour ne pas répondre avec violence, car il s’apercevait qu’en fait de principes son jeune frère d’armes avait une rectitude de jugement et une fermeté d’âme qui ne permettraient à personne d’exercer sur lui l’influence que lui-même avait compté obtenir. Après un court silence il dit avec