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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— C’est Habacuc Mucklewrath. Il a beaucoup souffert dans les dernières guerres : il a été longtemps en prison ; nos frères se figurent qu’il est inspiré par l’Esprit.

La voix de Poundtext fut couverte par celle de Mucklewrath, qui répéta d’un ton à faire trembler les soliveaux de la chaumière : — Qui ose parler de merci pour la maison sanguinaire des méchants ? Précipitez du haut de leur tour la mère et la fille, et que leurs cadavres pourrissent dans le champ de leurs pères !

— C’est bien parler, s’écrièrent plusieurs voix farouches.

— C’est une impiété révoltante ! s’écria Morton qui ne pouvait plus contenir son indignation. — Croyez-vous mériter la protection du ciel en écoutant les propos horribles de la folie ?

— Paix, jeune homme ! dit Kettledrummle. Est-ce à toi de juger du vase dans lequel le ciel verse ses inspirations ?

— Nous jugeons de l’arbre par ses fruits, riposta Poundtext, et nous ne croyons pas qu’une contravention aux lois divines puisse être une inspiration céleste.

— Vous oubliez, frère Poundtext, dit Macbriar, que nous sommes arrivés aux jours où les miracles seront multipliés.

Poundtext s’apprêtait à répondre, mais la voix d’Habacuc se fit entendre de nouveau : — Qu’ai-je vu ? des cadavres, des chevaux blessés, le tumulte de la bataille. — Qu’ai-je entendu ? une voix qui criait ; Frappez, tuez, soyez sans pitié, immolez jeunes gens et vieillards, la vierge, l’enfant, et la mère.

— C’est l’ordre d’en haut ! s’écrièrent plusieurs voix ; nous obéirons à l’inspiration.

Étonné, saisi d’horreur, Morton sortit de la chaumière. Burley le suivit : — Où allez-vous ? lui dit-il.

— Je l’ignore ; mais je ne puis rester ici plus longtemps.

— Es-tu si tôt fatigué ? Est-ce là ton dévouement à la cause qu’avait embrassée ton père ?

— La cause la plus juste ne peut réussir sous de pareils auspices. Un parti veut obéir aux rêves d’un fou ; un de vos chefs est un pédant ; un autre…

Burley acheva la phrase : — Un autre est un assassin, un Balfour de Burley. Mais tu ne réfléchis pas que, dans ces jours de vengeance, ce ne sont pas des hommes égoïstes et de sang-froid qui se lèvent pour exécuter les jugements du ciel. Si tu avais vu les armées d’Angleterre pendant son parlement de 1642, lorsque les rangs étaient remplis de sectaires et d’enthousiastes plus farouches que les anabaptistes de Munster, tu aurais eu bien d’autres sujets d’étonnement. Et cependant ces hommes étaient invincibles, et leurs mains firent des miracles pour la liberté de leur pays.