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LE NAIN NOIR

rence d’une hutte qui, quoique très étroite et composée seulement de pierres et de terre, sans mortier, offrait un air de solidité très rare dans des cabanes si petites et d’une construction si grossière. Earnscliff, qui épiait tous ses mouvements, n’eut pas plut tôt compris son but, qu’il fit porter dans le voisinage du lieu les bois nécessaires pour la toiture, et il se proposait même d’y envoyer des ouvriers le jour suivant. Mais le Nain ne lui en laissa pas le loisir ; il passa la nuit à l’ouvrage, et fit si bien que, dès le lendemain matin, la charpente était en place.

Voyant que cet être bizarre ne voulait recevoir d’aide que le secours accidentel d’un passant, Earnscliff se contenta de faire porter dans son voisinage les matériaux et les outils qu’il jugeait pouvoir lui être utiles. Le solitaire s’en servait avec talent. Il construisit une porte et une fenêtre, se fit un lit en planches, et à mesure que ses travaux avançaient, son humeur semblait devenir moins irascible. Enfin, il songea à se fermer d’un enclos, dans lequel il transporta du terreau et travailla si bien le sol qu’il se forma un petit jardin. Dans les environs on ne croyait plus que ce fut un fantôme, — on l’avait vu d’assez près et assez longtemps pour être convaincu que c’était véritablement un homme de chair et d’os, — mais le bruit se répandait qu’il avait des liaisons avec des êtres surnaturels, et qu’il avait fixé sa résidence dans ce lieu écarté afin de n’être pas troublé dans ses relations avec eux. Il n’était jamais moins seul que quand il était seul, disait-on en donnant à cette phrase d’un ancien philosophe un sens mystérieux. On assurait aussi que des hauteurs qui dominent la bruyère on avait vu souvent un autre personnage qui aidait dans son travail cet habitant du désert, et qui disparaissait aussitôt qu’on s’approchait d’eux ; quelquefois ce personnage était assis à son côté sur le seuil de la porte, se promenait avec lui dans le jardin, allait avec lui dans le jardin, allait avec lui chercher de l’eau à une fontaine voisine. Earnscliff expliquait ce phénomène en disant qu’on avait pris l’ombre du Nain pour une seconde personne.

Dans d’autres cantons de l’Écosse, ces soupçons auraient pu exposer notre solitaire à des recherches peu agréables ; ils ne servirent qu’à faire regarder le prétendu sorcier avec une crainte respectueuse. Il voyait avec une sorte de plaisir l’air de surprise et d’effroi des gens qui s’approchaient de sa chaumière. Un bien petit nombre étaient assez hardis pour satisfaire leur curiosité en jetant un regard à la hâte sur son habitation.

Le Nain semblait s’être établi dans sa hutte pour la vie, et rarement Earnscliff passait-il par là sans lui demander de ses nouvelles ; mais il était impossible de l’engager dans aucune conver-