Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
283
LES PURITAINS D’ÉCOSSE

Cet ordre fut exécuté si soudainement par ceux qui se trouvaient auprès de Morton, qu’il se vit désarmé avant d’avoir pu se mettre en défense. Observant un silence morne et farouche, les fanatiques se placèrent autour d’une table puis l’y firent asseoir de manière qu’il eût devant les yeux l’horloge. On servit le souper, et on lui en offrit une part ; mais le besoin de manger se faisait peu sentir à Henry. Bientôt après, les puritains se mirent en prières. De temps en temps leurs sombres regards se tournaient sur le cadran pour voir de combien avait avancé le moment de l’exécution.

L’œil de Morton prenait souvent la même direction.

Sa confiance religieuse, ses principes d’honneur et le sentiment de son innocence, l’aidèrent à franchir ce terrible intervalle avec moins d’agitation qu’il n’aurait cru en éprouver. En considérant les bourreaux, il croyait, comme dans le délire de la fièvre, les voir se transformer en spectres ; et, son imagination l’emportant sur la réalité, il était près de se croire entouré de démons plutôt que d’êtres vivants ; il lui semblait que le sang ruisselât sur les murailles, et le bruit régulier de la pendule retentissait à son oreille comme si chaque son eût été un coup de poignard.

Il fit un effort pour se recueillir et implorer le ciel ; et, dans son trouble, il se servit des paroles d’une prière qu’on trouve dans le livre de l’église anglicane. Macbriar, dont la famille était de cette secte, reconnut aussitôt les mots que le prisonnier prononçait à demi-voix.

— Il ne manquait plus que cela pour arracher de mon cœur toute répugnance charnelle à répandre le sang, dit-il en rougissant de colère. C’est un hérétique qui est entré dans le camp, déguisé en érastien. Que son sang retombe sur sa tête perfide !

— J’élève ma voix contre lui ! s’écria le frénétique Habacuc. Comme le soleil recula de dix degrés sur le cadran, pour annoncer la guérison du saint roi Ézéchias, de même il avancera aujourd’hui, afin que l’impie soit enlevé du milieu du peuple, et le Covenant établi dans toute sa pureté.

S’élançant sur une chaise avec l’air d’un énergumène, il étendait l’index de sa main droite pour placer l’aiguille du cadran sur l’heure fatale ; les glaives étaient tirés pour immoler Morton, lorsqu’un des caméroniens arrêta la main de Mucklewrath.

— Silence, dit-il, j’entends du bruit.

— C’est le bruit du ruisseau qui coule ici près, dit un autre.

— C’est le vent qui souffle dans les bruyères, dit un troisième.

— C’est de la cavalerie, pensa Morton. Dieu veuille que ce soient des libérateurs !

Le bruit s’approchait.