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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

de tout ce verbiage, ne pourriez-vous me dire ce qu’il convient de faire ?

— Rien du tout. Ne reconnaissez M. Morton que lorsqu’il voudra vous reconnaître lui-même. Ne parlez de lui à personne. Je parie qu’il s’en ira sans se faire connaître, et qu’il ne reviendra plus.

— Mon pauvre maître ! dit Cuddy. Quoi ! je lui parlerais sans lui dire que je le reconnais ! C’est impossible, je partirai avant le jour pour aller labourer, et je ne rentrerai qu’à la nuit.

— C’est bien pensé, Cuddy. Personne n’a plus de bon sens que vous, quand vous jasez de vos affaires avec quelqu’un ; mais vous ne devriez jamais agir d’après votre tête.

— Il est bien vrai, dit Cuddy, en se mettant au lit, que, depuis que je me connais, j’ai toujours eu quelque femelle qui s’est mêlée de mes affaires. D’abord ma vieille mère, ensuite lady Marguerite. Et maintenant que j’ai une femme…

— Ne suis-je pas le meilleur guide que vous ayez eu de votre vie ?

Elle mit fin à la conversation en prenant place auprès de son mari.

Laissant reposer ce couple, nous allons informer le lecteur que le lendemain matin deux dames à cheval, suivies de leurs domestiques, arrivèrent à Fairy-Knowe, et Jenny fut on ne peut plus confuse en reconnaissant miss Bellenden et lady Emilie Hamilton, sœur de lord Evandale.

— Si vous vouliez vous asseoir, leur dit Jenny étourdie de cette apparition inattendue, j’irais mettre tout en ordre.

— Inutile, répondit Edith, nous n’avons besoin que du passe-partout. Gudyil ouvrira les fenêtres du petit parloir.

— La serrure est dérangée, repartit Jenny qui se rappela que la clef du petit parloir ouvrait aussi la chambre où se trouvait Morton.

— Eh bien, nous irons dans la chambre rouge, dit miss Bellenden.

Et prenant les clefs, elle s’avança vers la maison.

— Tout va se découvrir, pensa Jenny. J’aurais mieux fait de dire à ces dames qu’il y a un étranger dans la maison…

— Allons, voilà Gudyil dans le jardin, mon Dieu ! que faire ?

Elle s’approcha du ci-devant sommelier. Mais le destin avait résolu de la contrarier complètement. Le hasard voulut que miss Bellenden se rendît précisément dans le salon d’où Jenny aurait voulu l’éloigner. Cette pièce n’était séparée de celle où se trouvait Morton que par une cloison si mince, qu’on ne pouvait dire un mot ni faire un pas dans l’une sans être entendu dans l’autre.

Miss Edith s’y étant assise avec son amie : — Comment se fait-il qu’il ne soit pas arrivé ? dit-elle : pourquoi nous donne-t-il rendez-