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LE NAIN NOIR.

des suites que pourrait avoir pour lui toute résistance lui fit prendre le parti de capituler.

Lorsque le bruit des chevaux qui emmenaient Isabelle se fit entendre, son père tomba subitement à terre ; le bandit qui l’attaquait prit la fuite, et celui qui tenait le domestique en respect en fit autant. Celui-ci courut au secours de son maître, qu’il croyait tué ou mortellement blessé ; mais, à son grand étonnement, il ne lui trouva pas même une égratignure. — Je ne suis pas blessé, Dixon, lui dit-il en se relevant ; le pied m’a malheureusement glissé dans un moment où je pressais ce scélérat avec trop d’ardeur.

L’enlèvement de sa fille lui causa un désespoir qui, suivant l’expression de l’honnête Dixon, aurait attendri le cœur d’une pierre. Il se mit à la poursuite des ravisseurs, et fit tant de recherches inutiles, qu’il se passa un temps considérable avant qu’il fût venu donner l’alarme au château.

Sa conduite et ses discours annonçaient le désespoir et l’égarement. — Ne me parlez pas, sir Frédéric, dit-il au baronnet qui demandait des détails sur cet événement ; vous n’êtes pas père, vous ne pouvez sentir ce que j’éprouve. Où est miss Ilderton ? Elle ne doit pas être étrangère à cette aventure : c’est un de leurs complots. — Dixon, appelle M. Ratcliffe ; qu’il vienne sans perdre une seule minute. M. Ratcliffe entra. — Ah ! vous voilà, mon cher Monsieur, c’est de vous seul que j’attends de sages conseils dans cette malheureuse circonstance.

— Qu’est-il donc arrivé, Monsieur, qui puisse vous agiter ainsi ? demanda M. Ratcliffe d’un air grave.

Tandis qu’Ellieslaw lui conte en détail la rencontre, nous allons faire connaître à nos lecteurs les relations qui existaient entre ces deux personnages.

Dès sa première jeunesse, M. Vere d’Ellieslaw avait mené une vie très dissipée. Une ambition démesurée avait marqué le milieu de sa carrière. Quoique d’un caractère naturellement avare et sordide, aucune dépense ne lui coûtait quand il s’agissait de satisfaire ses passions. Ses affaires se trouvaient déjà fort embarrassées, quand il fit un voyage en Angleterre. Il s’y maria, et le bruit se répandit que son épouse lui avait apporté une fortune considérable. Il passa plusieurs années dans ce pays, et quand il revint en Écosse il était veuf, et accompagné de sa fille, alors âgée de dix ans. Depuis lors il s’était livré à des dépenses plus excessives que jamais, et l’on supposait qu’il devait avoir contracté des dettes considérables.

Il n’y avait que quelques mois que M. Ratcliffe était venu résider au château d’Ellieslaw, du consentement tacite mais évidemment au grand déplaisir du maître du logis sur la personne et sur les