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LE NAIN NOIR.

— Si c’était là le meilleur moyen de trouver le coupable, répondit M. Ratcliffe avec sang-froid, on pourrait indiquer des personnes à qui leur caractère permettrait plus facilement d’imputer une pareille action, et qui ont aussi des motifs suffisants pour l’avoir commise. — Ne pourrait-on pas, par exemple, supposer que quelqu’un ait jugé convenable de placer miss Vere dans un endroit où l’on puisse exercer sur ses inclinations un degré de contrainte auquel on n’oserait avoir recours dans le château de son père ? — Que dit sir Frédéric Langley de cette supposition ?

— Je dis, répliqua sir Frédéric furieux, que s’il plaît à M. Ellieslaw de permettre à M. Ratcliffe des libertés qui ne conviennent pas au rang qu’il occupe dans la société, je ne souffrirai pas qu’une telle licence s’étende impunément jusqu’à moi.

— Et moi, s’écria le jeune Mareschal de Mareschal Vells, qui était aussi un des hôtes du château, je dis que vous êtes tous des fous et des enragés de rester ici à vous disputer tandis que nous devrions déjà être à la poursuite de ces scélérats.

— J’ai donné ordre de préparer des chevaux et des armes, dit Ellieslaw, et si vous le voulez, nous allons partir.

On se mit en marche ; mais toutes les recherches furent inutiles, probablement parce que Ellieslaw dirigea la poursuite du côté de la tour d’Earnscliff, dans la supposition qu’il était l’auteur de l’enlèvement, c’est-à-dire dans une direction diamétralement opposée à celle que les brigands avaient suivie. On rentra au château vers le soir, après s’être inutilement fatigué. De nouveaux hôtes y étaient survenus, et, après avoir parlé de l’événement arrivé dans la matinée, on l’oublia pour se livrer à la discussion des affaires politiques.

Plusieurs de ceux qui composaient ce divan étaient catholiques, et tous des jacobites déclarés. Leurs espérances étaient plus vives que jamais. On s’attendait de jour en jour à une descente que la France devait opérer en faveur du Prétendant, et un grand nombre d’Écossais étaient disposés à accueillir les Français plutôt qu’à leur résister. Ratcliffe, qui ne se souciait guère de prendre part à ce genre de discussion, s’était retiré dans son appartement, et miss Ilderton avait été confinée dans le sien par ordre de M. Ellieslaw.

Les domestiques ne pouvaient s’empêcher d’être surpris qu’on oubliât si facilement le malheur de leur jeune maîtresse. Ils ignoraient que ceux qui étaient le plus intéressés à sa destinée connaissaient fort bien et la cause de son enlèvement et le lieu de sa retraite ; et que les autres, à la veille d’une conspiration, n’avaient l’imagination occupée que des moyens de réussir dans leur entreprise.