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Page:Scott - Oeuvres de Walter Scott, trad Defauconpret, 1836.djvu/389

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— Roderic, c’est une épreuve terrible pour un homme doué d’une vie mortelle, dont les organes sensibles peuvent frissonner du froid convulsif de la fièvre, dont lus yeux peuvent rester immobiles d’horreur, et les cheveux se hérisser sur son front ; c’est une épreuve terrible de voir déchirer le rideau qui nous cache l’avenir ! voilà cependant ce que j’ai osé braver pour mon Chef, comme l’attestent encore le frisson qui m’agite, mon sang glacé dans mes veines, le trouble de mes yeux et les angoisses qui bouleversent mon ame !…

Ces apparitions qui m’ont assailli dans ma couche sanglante ne peuvent être décrites par les paroles d’un mortel ; pour survivre à ce que j’ai vu, il faut devoir la naissance aux vivans et aux morts, et se sentir doué d’une vie indépendante des lois de la nature. Enfin la réponse prophétique s’est fait connaître par les caractères d’une vivante flamme : elle n’a pas retenti à mon oreille, ni parlé à mes yeux ; mais elle s’est gravée dans mon ame :

la victoire est à celui des deux partis
qui le premier
fera couler le sang.
[1]
VII.

— Brian, dit Roderic, je te sais gré de ton zèle et de ta fidélité ; ton augure est heureux pour nous ! Jamais le clan d’Alpine n’attendit l’ennemi : toujours nos glaives ont frappé les premiers coups ; mais il est une victime plus sûre qui s’est offerte d’elle-même à notre fer vengeur : un espion est venu ce matin observer notre camp ; il n’y aura plus de retour pour lui dans sa terre natale ; mes vassaux gardent tous les défilés, à l’est, au sud et au couchant. Murdoch, choisi pour son guide, a reçu l’ordre secret d’égarer ses pas jusqu’à ce qu’il puisse le précipiter dans quelque ravine profonde.

Mais qui vient à nous ? C’est Malise… Hé bien ! quelles nouvelles de l’ennemi ?

VIII.

— Deux orgueilleux barons, répondit Malise, ont arboré leurs bannières à Donne. Autour d’eux étincellent les lances et les glaives de nombreux vassaux ; j’ai reconnu l’étoile d’argent de Moray, et le pal noir du comte de Mar.

  1. Cet oracle du Tagbairm a été souvent un augure qui a décidé, dans l’imagination des combattans, du succès d’une bataille. Les soldats de Montrose égorgèrent sous ce prétexte un pauvre berger, le matin de la bataille de Tippermoor.