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piquillo alliaga.


Il m’a seulement ordonné de redescendre la montagne au plus vite.
joignant les mains, se mit à fondre en larmes en lui disant :

— Pardon… pardon, ma sœur !

— Et de quoi ?

— D’infâmes soupçons… d’horribles idées dont mon cœur est brisé, et que moi je ne me pardonnerai jamais ! sais-tu qu’en te voyant dans la chambre du roi j’ai eu une pensée qu’il m’a fallu repousser et combattre ?

— Et laquelle ?

— Celle de te tuer !

— Merci, frère ! lui dit-elle en lui tendant la main ; si le ciel me réduisait à la même extrémité, n’oublie pas ta promesse.

— Non, non, dit Yézid, il est impossible, quelles que soient sa passion et sa colère, que le roi consente à une mesure aussi injuste, aussi atroce, aussi impolitique ! Il ne voudra pas consommer la perte de l’Espagne. C’est à nous, du reste, à lui faire connaître la vérité. Nous aurons pour nous tous les barons de Valence, que notre départ ruinerait à jamais, et qui nous viendront en aide. Rassurez-vous, rassurez-vous ; j’ai encore de l’espoir, et quoiqu’il arrive, nous aurons du moins sauvé notre sœur.

Ils s’arrêtèrent au point du jour à Alcala, et pendant qu’ils faisaient rafraîchir leurs mules, ils aperçurent à la porte de l’hôtellerie Pedralvi, qui, en zélé serviteur, plaçait avec soin un coffre pesant sur une voiture de voyage.

— Toi ! Pedralvi ! s’écria Alliaga ; comment te trouves-tu ici ?

— Avec le seigneur Delascar d’Albérique, votre père, qui se rend à Madrid.

— Mon père ! mon père ! répétèrent les trois jeunes gens.

— Yézid et Piquillo s’élancèrent de la voiture, aidèrent Aïxa à descendre, et un instant après, le vieillard se voyait entouré des caresses de ses enfants.

— Ah ! s’écria le Maure en levant les yeux au ciel, quels que soient les dangers qui nous menacent, quelles