Page:Scribe - Théâtre, 14.djvu/284

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Mais si sa main hésite et trompe mon attente,
Par vos charmes qu’il soit séduit ;
Forcez-le d’accomplir sa promesse imprudente,
En lui cachant l’abîme où ma main le conduit.

(Toutes les nonnes, par un salut, donnent leur assentiment à la demande de Bertram, qui se retire. Aussitôt l’instinct des passions revient à ces corps naguère inanimés. Les jeunes filles, après s’être reconnues, se témoignent le contentement de se revoir. Héléna, la supérieure, les invite à profiter des instans, et à se livrer au plaisir. Cet ordre aussitôt est exécuté. Les nonnes tirent des tombeaux les objets de leurs passions profanes ; des amphores, des coupes, des dés sont retrouvés. Quelques-unes font des offrandes à une idole, tandis que d’autres arrachent leurs longues robes et se parent la tête de couronnes de cyprès pour se livrer à la danse avec plus de légèreté. Bientôt elles n’écoutent plus que l’attrait du plaisir, et la danse devient une bacchanale ardente. — La ritournelle annonçant l’arrivée de Robert interrompt les jeux ; toutes les nonnes se dérobent à sa vue, en se cachant derrière la colonnade et les tombeaux.)

ROBERT, avance en hésitant.
Voici le lieu témoin d’un terrible mystère !
Avançons… mais j’éprouve une secrète horreur :
Ces cloîtres, ces tombeaux font naître dans mon cœur
Un trouble involontaire.
J’aperçois ce rameau, talisman redouté,
Qui doit me donner en partage
Et la puissance et l’immortalité.
Quel trouble ! vain effroi ! Grand Dieu ! dans cette image,
De ma mère en courroux, oui, j’ai revu les traits !
Ah ! c’en est fait, fuyons, je ne pourrais jamais…

(Au moment où Robert veut sortir, il se trouve entouré de toutes les nonnes ; une d’elles lui présente une coupe, mais il la refuse. Héléna, qui s’en aperçoit, s’approche de lui, et par ses poses gracieuses cherche à le séduire. Robert la contemple, avec admiration ; bientôt il ne peut résister, et accepte la coupe offerte par sa main. Héléna, voyant qu’elle a réussi, l’entraîne vers le tombeau de sainte Rosalie ; toutes les nonnes, croyant que Robert va détacher le rameau, se félicitent de leur triomphe ; mais le chevalier recule avec effroi. — Héléna cherche de nouveau, par ses charmes, à exciter les passions de Robert. D’autres jeunes filles lui présentent des dés ; au