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Page:Scribe - Théâtre, 16.djvu/195

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Eh ! c’est bien de cela qu’il s’agit. Fuir ! Le puis-je ? on me retient en gage !… (On apporte le déjeuner, il se met à table.) Ma foi, vogue la galère ! je n’ai pas peur de déranger mes affaires, elles le sont bien, de par tous les diables ! Mon oncle Scudéri et sa docte sœur, qui font des romans où personne n’entend rien, et où eux-mêmes n’entendent pas grand’chose, seraient bien étonnés de savoir leur fugitif neveu dans une méchante auberge, au milieu des Pyrénées. Après tout, c’est leur faute ; de quoi veulent-ils s’aviser ? vouloir m’apprendre à gagner de l’argent, moi, qui ne sais que le dépenser ; enfin me faire procureur ! j’avais trop de délicatesse, et je me suis fait mousquetaire. À cette nouvelle, ma famille prend ses arrangemens ; je prends aussi les miens, et me voilà en pays étranger, commençant le cours de mes voyages. J’ai parcouru l’Europe, et partout je me suis ennuyé : en Italie, il fait trop chaud ; en Russie, il fait trop froid ; en Angleterre, ils sont trop tristes ; en France, on n’est jamais trop gai ! vive Paris ! vive le séjour des amours et de la gaieté ! on végète au dehors, on n’est heureux que dans ma patrie.

Air : Ange des nuits.

J’ai voulu fuir une terre chérie,
Prendre les goûts, les mœurs de l’étranger.
Tout homme, hélas ! peut changer de patrie,
De caractère il ne saurait changer.
Dès que je vois une belle,
Enflammé par ses attraits,
Ah ! je sens bien, auprès d’elle,
Que je suis toujours Français.

Enfin, après deux ans d’absence, mes amis m’ob-