Page:Scribe - Théâtre, 2.djvu/451

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plus doux et le plus pacifique de tous les hommes ; avec cela que j’ai la vue basse, et que je suis toujours obligé de me mettre à cinq pas.


AIR : Cet arbre apporté de Provence.

N’y pas voir est un défaut terrible ;
Cela seul m’a fait des ennemis :
On a l’air, quoiqu’honnête et sensible,
De Lorgner jusqu’à ses amis.
Contre moi plus d’un fat s’en irrite :
Est-ce ma faute, ou bien un fait exprès,
Si, pour apercevoir leur mérite,
Il faut y regarder d’aussi près ?


Mais c’est fini, et maintenant je me brûlerais la cervelle plutôt que d’avoir une affaire. Celle-ci a fait assez de bruit… Obligé de quitter Paris, de changer de nom. Et mon mariage ? il n’y faut plus penser… Un mariage superbe ! que, sans m’en rien dire, mon père méditait depuis deux ans ; mais on lui a répondu dernièrement qu’on n’épouserait jamais une mauvaise tête, un duelliste, un ferrailleur… Morbleu ! ce n’était rien jusque-là ; car quelque aimable et quelque jolie que fût, dit-on, ma prétendue, je ne la connaissais pas, et je l’aurais eu bien vite oubliée ; mais dans ma fuite, à quarante lieues de la capitale, ma voiture se brise ; et à moitié mort, le bras fracassé, on me transporte ici, dans ce château… et où suis-je ? chez madame de Senange, celle que je devais épouser, celle qui me refuse, qui me déteste, et qui sans doute m’aurait déjà congédié, si elle connaissait mon véritable nom ; mais je me garderai bien de le lui dire. Il