rait-ce par hasard… la passion… que vous ne vouliez pas m’avouer ce matin ?
Juste, c’est elle ! (À part.) Elle ne croit pas si bien deviner. (Haut.) Oui, ma chère Marianne, c’est là cette femme charmante, dont le bon ton, la grâce et les manières distinguées… Ah !… qu’est-ce qu’elle fait donc là ?
(Il se retourne et aperçoit Minette, qui s’est approchée tout doucement de la table, trempant ses doigts dans la crème, et les portante sa bouche comme les chats.)
Dieux ! que c’est bon de la crème !
Oh ! voyez donc, monsieur !
Quelle distraction ! Minette !
C’est probablement un usage d’Angleterre.
Oui, oui… dans ce pays-là… on ne mange pas comme… (Voulant détourner la conversation et regardant la table.) Mais quel déjeuner, Marianne ! toi qui n’avais pas d’argent… comment as-tu fait ?
Comment j’ai fait ! il l’a bien fallu… J’ai vendu notre chatte pour trois florins.
Par exemple ! sans me consulter.
Ah ! bien oui. (Regardant Minette.) Vous avez maintenant bien d’autres choses à penser !… Je l’ai vendue à la femme du gouverneur… une femme très sensible… qui aime beaucoup les chats.
Me vendre ! c’est drôle !
C’est pour amuser son fils… un jeune homme de dix-huit ans, de la plus belle espérance.
Et à un jeune homme encore !
Comment !… (Se calmant.) Eh bien, à la bonne heure, puisque le fils du gouverneur l’a achetée… qu’il vienne la prendre (À part.) s’il peut la reconnaître !
Moi qui croyais que ça allait le désoler… quelle insensibilité !
Allons, chère amie, déjeunons.
(Il lui fait signe de s’asseoir vis-à vis de lui. Il lui verse de la crème, et lui montre comment il faut tremper son pain, ce que Minette imite gauchement et maladroitement.)
- Repas charmant, plaisir extrême,
- Se trouver là tous deux ! tous deux !
- Pouvoir se dire ici : je t’aime !
- Avec les yeux !
- Pauvre Minette ! ô peine extrême !
- Il faut nous séparer tous deux,
- Et pour toi l’ingrat n’a pas même
- De larme aux jeux.
- C’est bon ! merci.
- Dans son assiette !
- Quoi, Milady !
- Hé mais… Minette,
- Non ! pas ainsi.
(Il lui montre.)
- C’est bien… merci.
- C’est fort joli !
- Quelles manières
- Singulières !
- Quelles manières
- C’est fort joli !
- Quel embarras !
- Hum ! vieille prude !
- Elle n’a pas
- Encore l’habitude
- De dîner à table.
(Bas à Marianne.)
- Attends donc !
(Haut.)
- Point de bon repas sans chanson.
(À Minette.)
- Sauriez-vous quelque polonaise ?
- Non !
- Une gigue anglaise ?
- Mon Dieu non !
(Cherchant.)
- Je me souviens
- D’un petit air indien.
- Nous l’écoutons… très bien !
- Dans une pagode indienne,
- Bayadère aux longs cheveux,