Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/167

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qu’elle s’en ſeroit à la fin aperçeuë.

Cette converſation s’eſtant donc paſſée ainſi, Panthée creut effectivement que Perinthe n’avoit eu autre intention que de meſnager ſa fortune en la ſervant, & le fit croire au Prince Abradate : mais pour Doraliſe, elle ne ſe laiſſa pas perſuader ſi facilement : au contraire, tous ſes ſoubçons qu’elle avoit eus autrefois, de la paſſion de Perinthe, ſe renouvellerent dans ſon eſprit. Neantmoins comme elle l’eſtimoit effectivement, elle n’en dit rien à la Princeſſe, de peur de luy nuire : mais elle ne pût s’empeſcher de m’en dire quelque choſe, apres m’avoir fait promettre de n’en parler point. D’abord je creus qu’elle ne parloit pas ſerieusement : mais un moment apres, mes ſoubçons ſurent plus forts que les ſiens : car non ſeulement je penſay tout ce qu’elle penſoit, mais encore cent autres choſes dont je me ſouvins, & ſur leſquelles je n’avois pas arreſté mon eſprit, lors qu’elles eſtoient arrivées. je tombay pourtant dans le ſens de Doraliſe : & je me reſolus auſſi bien qu’elle, à n’aller pas nuire à un auſſi honneſte homme que Perinthe, ſur un ſoubçon, qui apres tout, pouvoit eſtre mal fondé : puis qu’il ne l’eſtoit que ſur des conjectures, qui ſont bien ſouvent trompeuſes. C’eſt pourquoy je fis une reſolution conſtante, de ne rien dire à la Princeſſe : touteſfois comme cela pouvoit avoir de fâcheuſes ſuittes, nous nous reſolusmes de l’obſerver ſoigneusement : & de nous dire l’une à l’autre, tout ce que nous deſcouvririons. j’advoüe Madame, que je fis une legereté en cette occaſion ; qui fut de dire à Doraliſe, la propoſition que la Princeſſe avoit faite à Perinthe touchant ſon mariage : mais il me ſembloit que