Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/188

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qui la regardoient. D’abord il teſmoigna ſouhaiter ardamment d’obtenir la liberté de luy eſcrire à elle meſme : mais elle ne le voulut pas, de peur qu’il n’y euſt quelques Lettres perdues : car pour celles que nous recevions Doraliſe & moy, elles eſtoient eſcrites d’une certaine façon, qu’elles pouvoient recevoir pluſieurs explications. Ainſi la Princeſſe entendoit parler d’Abradate preſques ſans danger : & Abradate aprenoit auſſi par nous, tout ce qu’il vouloit sçavoir. Mais afin de mieux embroüiller les choſes que nous eſcrivions, nous avions une fois mandé à Abradate par une voye tres ſeure, que nous luy voudrions dire quelque choſe de la Princeſſe, ce ſeroit ſous le nom de Perinthe : ainſi vous pouvez juger que le nom de Perinthe eſtoit dans toutes nos Lettres. Il arriva donc une fois par malheur, que Perinthe fut dans la Chambre de Doraliſe, comme elle eſcrivoit à Abradate : & quoy qu’elle euſt accouſtumé quand elle luy faiſoit reſponce, d’ordonner à une fille qui la ſervoit, de ne laiſſer entrer perſonne ſans l’en advertir, elle ne luy obeït pas fort exactement ce jour là : au contraire ayant eu beſoin d’aller querir quelque choſe dans une autre Chambre, elle ſortit de celle de ſa Maiſtresse, ſans qu’elle s’en aperçeuſt : & laiſſant la porte entr’ouverte, elle fut où elle avoit à faire : eſperant eſtre revenuë devant qu’il puſt venir perſonne. Mais ayant trouvé quelqu’une des Femmes de la Princeſſe, avec qui elle s’arreſta à parler, Perinthe arriva : qui n’entendant aucun bruit dans le Chambre de Doraliſe, creut ou qu’elle n’y eſtoit pas, ou qu’elle eſtoit malade : ſi bien que pour s’en eſclaircir, il porta les yeux à l’ouverture de la porte, par laquelle il vit qu’elle eſcrivoit ſur une petite Table, vis à vis d’un grand Miroir, & qu’elle avoit