Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/191

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fort obligeante. Vous adjouſtez que ſa derniere Lettre m’a ſemblé fort jolie : & vous dittes enfin tous ces menſonges avec une ſi grande hardieſſe, que j’en ſuis eſpouventé. Quoy qu’il en ſoit, dit Doraliſe, il me ſemble que je ne vous rends pas un mauvais office : car en diſant tout ce que je dis, je ne dis rien à voſtre deſavantage : au contraire je dis que vous vous connoiſſez bien en jolies Lettres, & que je n’oſe donner de loüanges, à ce que vous avez loüé. Mais de grace, luy dit il, Doraliſe, monſtrez moy ce que vous dittes que je loüe, autrement vous me mettrez au deſespoir : en verité, luy reſpondit elle, ſi j’eſtois mauvaiſe Amie je vous le monſtrerois : & pour vous faire voir que je ſuis bonne, sçachez (adjouſta t’elle, pour luy faire une fauſſe confidence) qu’une Dame de Sardis, que pour ſon honneur je ne vous veux point nommer, m’a eſcrit une Lettre où elle ſe pique ſi fort de bel eſprit, qu’elle eſt toute compoſée de grands mots, & de paroles choiſies, qui ne veulent pourtant rien dire : de ſorte que connoiſſant bien par ſon ſtile qu’elle veut qu’on la louë, je l’ay ſans doute loüée le plus que je la pouvois loüer : puis que je luy ay dit qu’elle avoit eu beaucoup de part à vos loüanges. je vous croiray, repliqua t’il, ſi vous me monſtrez cette Lettre : comme vous en connoiſtriez peut-eſtre l’eſcriture, reſpondit elle, je ne vous la monſtreray pas : cependant Perinthe, adjouſta Doraliſe, le vous prie de me laiſſer la liberté d’achever la mienne. En effet, dit il, je penſe que c’eſt une affaire preſſée : car l’endroit où vous l’avez quittée, monſtre que vous avez d’autres choſes à dire que des complimens. Il eſt vray, repliqua Doraliſe en riant, & c’eſt pour cela que je vous prie de me quitter. je ne le sçaurois, luy dit